En mémoire de la Cène de Notre Seigneur
(méditation proposée par le Père Jean De Wulf)
Les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu :
cette invitation vaut certes pour tout le carême, aujourd’hui, jeudi saint, fixons notre regard sur Jésus en lisant les lectures prévues pour la messe. Il y a d’abord le texte de l’Exode qui relate l’événement qui est à l’origine la pâque juive : la libération de l’esclavage en Egypte pour aller vers la Terre Promise. En Jésus : libérateur du péché pour vivre de sa vie de Ressuscité.
Les deux lectures, l’une de Paul aux Corinthiens qui est le tout premier écrit racontant l’événement de la Cène, l’autre de Saint Jean situe aussi lors de la Cène le lavement des pieds. L’un axe sa présentation sur le rite eucharistique et en donne la signification, l’autre celui de Jean met en lumière un autre geste de Jésus, lavant les pieds des apôtres et en donne la signification comme modèle de la charité fraternelle.
Tous deux récits nous parlent du corps. Aux Corinthiens la parole de Jésus est : « Ceci est mon corps, mangez-le » et Jean montre le corps de Jésus qui à genoux fait un travail d’esclave. Tous deux gestes aboutissent à « faites de même ». Dans la bible le corps est créé par Dieu avec la terre glaise marquant les yeux, les oreilles, la bouche, les mains et les pieds, tous organes de relation ouverte à la rencontre, et Dieu souffle son Esprit dans les narines et voilà que l’homme en son corps devient un être vivant. Jésus reprend l’image en se tournant vers le Père disant : « Père, tu m’as formé un corps et me voici, je viens pour faire ta volonté ». Le lavement des pieds nous racontera les gestes de son corps en lavant les pieds de ses disciples. Il n’y a pas de communion eucharistique sans charité fraternelle et il n’y a pas de charité fraternelle sans communion au corps du Christ.
* Paul souligne l’origine de son récit : il vient du Seigneur, mais il le transmet aux Corinthiens que nous sommes. Cela se passe la nuit où il a été livré, son corps donné par Judas aux autorités juives. Jésus prend du pain (le pain symbole de ce qui nous nourrit), puis rendant grâces (en grec eucharistein) pour tout ce que Jésus a pu transmettre par son corps en paroles, en gestes et en son être, tel que racontés dans les évangiles. Ce pain, préparé par ses disciples, il le rompt en signe de fracture qu’un corps peut subir sur la croix signe aussi de partage de sa vie avec les siens. Jésus ajoute une parole constitutive : «Ceci est mon corps, qui est pour vous (en grec : ‘le pour vous’) ». Jésus nous le montre par ceci, un démonstratif et donc il faut le regarder ; ce qu’il montre est son corps, ce corps par lequel nous le connaissons et par lequel il a révélé qui est son Père par ses paroles, par ses gestes et son être. Je repense à la parole de Jésus : « Qui m’a vu, a vu le Père ». Voir le pain eucharistique c’est voir tout ce que Jésus a vécu et révélé par son corps. Ainsi on entre dans le regard du Père sur Jésus. Faites ceci en mémoire de moi. La mémoire est cette faculté de l’homme de pouvoir saisir l’image du passé et l’intégrer dans le présent ! A faire mémoire ! Ensuite Jésus fit de même avec la coupe (coupe remplie de vin, fruit de la vigne qui est son peuple que nous sommes aujourd’hui). La coupe devient la nouvelle Alliance – déjà l’ancienne Alliance s’énonçait : Je serai votre Dieu et vous serez mon peuple, alliance concrétisée dans le sang de l’agneau – à présent le sang de Jésus mort et vivant pour nous. Faites cela : c’est la mise en pratique de faire le rite, mais surtout de faire voir au monde la nouvelle alliance en Jésus. Dieu est pour nous et nous sommes pour Dieu C’est en alliés de Dieu que nous proclamons la mort de Jésus jusqu’à ce qu’il vienne, lui le Vivant ressuscité.
*Jean en son récit montre le lavement des pieds et sa signification. Jean en situe l’origine dans le Verbe qui est tourné vers Dieu, qui est Dieu. Son parcours ? Il est sorti de Dieu et il va vers Dieu, sachant que le Père lui a tout remis entre les mains. Maintenant l’heure est venue de passer de ce monde à son Père, lui qui ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. Viennent à présent les gestes du corps de Jésus que nous regardons. Jésus se lève de table où sont réunis les Douze convives. Aujourd’hui encore quand quelqu’un se lève de table on s’attend à une parole, un toast. Mais Jésus pose un geste en déposant son vêtement, (le vêtement étant le signe de sa dignité déposé pour apparaître comme le serviteur), il prend un linge qu’il noue à la ceinture, le linge qu’il utilisera pour essuyer les pieds de ses apôtres. Il verse de l’eau dans un bassin.
Tout est prêt pour le signe essentiel, ainsi bien préparé. Il se met à laver les pieds de ses disciples. Je regarde le geste : laver les pieds, travail d’esclave comme signe d’accueil par le Maître: les pieds après le chemin parcouru sont toujours poussiéreux et les laver donne une nouvelle énergie pour continuer le chemin après le repas offert. Pour laver les pieds consciencieusement il ne peut que s’agenouiller devant ses disciples. Ainsi est Dieu ! Jésus ensuite essuie les pieds qu’il vient de laver pour être prêts à reprendre la route. Il y a bien sûr le refus de Pierre de se laisser laver les pieds. Jésus répond que ce geste témoigne de ce qu’ils prennent part avec Jésus. Si le lavement des pieds évoque la purification des hommes par le Maître, la purification réelle se fera le lendemain quand Jésus mourra pour la rémission de tous les échecs (les péchés) du monde. Nouveau geste de Jésus signifiant sa résurrection. :. Reprenant son vêtement il se remet à table avec ses convives. Il leur dira trois choses pour qu’ils comprennent bien la signification de ce qu’il vient de faire. En un : Vous m’appelez Maître et Seigneur. Très bien je le suis. Le vrai maître est celui qui veille à la bonne forme de ses disciples –Je vous l’ai déjà dit : Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir. En deux : Si moi le Maître je vous ai lavé les pieds c’est que vous aussi vous laviez les pieds les uns aux autres : ce sera le témoignage de votre amour fraternel, Comme je l’ai fait pour vous, prenez mon geste comme un exemple,. En trois (malheureusement pas repris ici) Sachant cela vous serez heureux, du moins si vous le mettez en pratique. C’est donc cela être pratiquant : par-delà le rite il faut signifier par notre foi en quel Dieu l’humanité est appelée à croire. Il est grand le mystère de la foi.