Une année s’achève. Que d’évènements vécus, heureux ou Miséricordemalheureux, en société, en Eglise, individuellement ou collectivement. On s’en souviendra, et certainement on en tirera des leçons pour l’avenir. Dans notre paroisse l’année qui s’achève aura été marquée entre autres, sur le plan pastoral, par un triple lancement. Le lancement de la nouvelle catéchèse, des messes des familles et du dimanche autrement. De nouvelles opportunités pour faire et vivre autrement l’Eglise.
Alors que l’année civile s’achève, celle liturgique de l’Eglise avait déjà précédée de quelques semaines. L’année liturgique débutée avec le temps fort de l’Avent, nous fait vivre en ces jours ce temps de Noël. La naissance de Jésus de Nazareth, s’il faut en dire quelque chose selon la foi chrétienne, est l’évènement historique majeur qui scelle la discontinuité et la spécificité du christianisme d’avec les autres confessions non chrétiennes et qui contient en germe tout le mystère chrétien.

Jésus n’est pas seulement un grand prophète de Dieu, mais le Fils même de Dieu (non créé mais engendré de toute éternité) qui nait dans la chair. Quand le Dieu transcendant et invisible se fait homme, tout l’humain se trouve rehaussé dans son ultime dignité comme demeure et reflet du divin. L’histoire de l’humanité atteint sa plénitude. Désormais l’homme dépasse l’homme et n’est plus ni le centre, ni le modèle de lui-même. Avons-nous conscience que fêter Noël véritablement, c’est donc aller au-delà du folklore décoratif des sapins illuminés et guirlandés pour croire à cette vérité et s’ouvrir à cette convocation divine?

En tout cas, liturgique ou civile, une nouvelle année s’offre à nous. Le pape François la veut particulièrement spéciale. Il l’a proclamée « année sainte extraordinaire », jubilé avec comme thème « Dieu riche en Miséricorde » (Ephésiens 2,4) ; « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36). « C’est un programme de vie aussi exigeant que riche de joie et de paix » écrit-il (M.V., Misericordiaevultus, bulle papale d’indiction du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, §). Ce jubilé est un moment favorable pour changer de vie, le temps de se laisser toucher au cœur. Face au mal commis, et même aux crimes graves, voici le moment d’écouter pleurer les innocents dépouillés de leurs biens, de leur dignité, de leur affection, de leur vie même ». Ouvert en la fête de l’Immaculée conception, le 8 décembre dernier, il va se clôturer le 20 Novembre 2016, solennité du Christ-Roi de l’univers. De tradition de l’Eglise, l’année sainte extraordinaire n’est proclamée qu’à l’occasion des évènements historiques remarquables.

Le Pape justifie ce jubilé extraordinaire par le pressant besoin que ressent l’Eglise de vivre la miséricorde. Il s’inscrit dans la dynamique de saint Jean Paul II qui avait noté en son temps l’oubli du thème de la miséricorde dans la culture actuelle : « La mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre qu’il a soumise et dominée (cf. Gn 1, 28) » MV § 11.
Pour le Pape François, l’expérience du pardon est devenue plus rare dans notre culture. « Ressentir de la miséricorde, ce mot change tout. C’est le mieux que nous pouvons ressentir : cela change le monde. Un peu de miséricorde fait en sorte que le monde soit moins froid et plus juste. Nous avons besoin de comprendre bien cette miséricorde de Dieu, ce Père miséricordieux qui est tellement patient ». (Angélus du 17 mars 2013). Il reviendra peu après sur ce thème qui lui est particulièrement cher dans son encyclique qu’on considère comme l’écrit programme de son pontificat : « L’Eglise vit un désir inépuisable d’offrir la miséricorde, fruit de l’expérimentation de l’infinie miséricorde du Père et de sa force de diffusion. » (EG 24). Et il ne cesse d’insister : « Il y a tellement besoin, aujourd’hui, de miséricorde et il est important que les fidèles laïcs la vivent et l’apportent dans les différents milieux de la société ». (Angélus du 11 janvier 2015).

Voilà pourquoi il estime que « Le temps est venu pour l’Eglise de retrouver la joyeuse annonce du pardon. Il est temps de revenir à l’essentiel pour se charger des faiblesses et des difficultés de nos frères. Le pardon est une force qui ressuscite en vie nouvelle et donne le courage pour regarder l’avenir avec espérance ». « En avant ! Nous sommes en train de vivre le temps de la miséricorde : c’est maintenant le temps de la miséricorde » (Angélus du 11 janvier 2015).
Cette année Sainte a un objectif. Elle se veut une opportunité pour approfondir notre foi et vivre, d’un engagement renouvelé, le témoignage chrétien. L’Eglise y est conviée à vivre et à témoigner elle-même de la miséricorde. « Son langage et ses gestes doivent transmettre la miséricorde pour pénétrer le cœur des personnes et les inciter à retrouver le chemin du retour au Père » (Mv § 12). Nos paroisses, nos communautés, nos associations et tous nos mouvements devront se transformer en « oasis de miséricorde » au milieu de la mer de l’indifférence. Tout est mis en œuvre pour que les fidèles tirent avantage de ce grand évènement ecclésial. Le calendrier de cette année prévoit des célébrations diverses et des jubilés pour les différentes catégories des fidèles.

« Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année Sainte, écrit le Pape. Chacun devra, selon ses forces, faire un pèlerinage. Ce sera le signe que la miséricorde est un but à atteindre, qui demande engagement et sacrifice. Que le pèlerinage stimule notre conversion ». (Mv § 14)
Puissions-nous donc vivre intensément cette année sainte en gardant en mémoire le souhait du Saint-Père : Que l’Eglise soit encore davantage appelée à soigner les blessures crées par les situations de précarité et de souffrance de ceux qui vivent dans les périphéries du monde moderne, « à les soulager avec l’huile de la consolation, à les panser avec la miséricorde et à les soigner par la solidarité et l’attention. Ne tombons pas dans l’indifférence qui humilie, dans l’habitude qui anesthésie l’âme et empêche de découvrir la nouveauté, dans le cynisme destructeur. Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l’aide. Que nos mains serrent leurs mains et les attirent vers nous afin qu’ils sentent la chaleur de notre présence, de l’amitié et de la fraternité. Que leur cri devienne le nôtre et qu’ensemble, nous puissions briser la barrière d’indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l’égoïsme » (Mv § 15).

Concluons avec le Pape : « Combien, je désire que les années à venir soient comme imprégnées de miséricorde pour aller à la rencontre de chacun en lui offrant la bonté et la tendresse de Dieu ! Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous » (Mv § 5). « Que puisse parvenir à tous la parole de pardon et que l’invitation à faire l’expérience de la miséricorde ne laisse personne indifférent ! » § 19).

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Joyeux Noël à tous, heureuse année 2016 et fructueux jubilé de miséricorde.

Wilfried IPAKA KEBADIO

Catégories : Textes divers