Ce 26 mars 2017, 4° dimanche de Carême, sera le

50° anniversaire de la publication par Paul VI de Populorum Progressio.

Couverture du document des évêques belges / wwwcathobel.be

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A cette occasion, les évêques de Belgique ont publié récemment une Lettre intitulée Populorum Communio, la Communion des Peuples.
Une fois n’est pas coutume mais Mgr Delville, évêque de Liège a écrit une homélie proposée aux prêtres et diacres qui assureront l’homélie ce dimanche 26 mars prochain.

Les évêques ont souhaité qu’elle soit proposée à tous.

Que cette homélie nous aide à approfondir la Parole de Dieu et notre mission chrétienne.
Bonne fin de temps de carême et belle progression vers Pâques!

Voici donc l’Homélie type qui nous est proposée pour le 4e dimanche carême : 26 mars 2017.

La communion des peuples

Chers Frères et Sœurs,

Quel rapport y aurait-il entre l’aveugle-né guéri par Jésus (Jean 9,1-41) et le monde d’aujourd’hui ?

En réponse à cette question, les évêques de Belgique publient aujourd’hui une lettre pastorale centrée sur la communion des peuples.

Il semble en effet aux évêques que cet évangile du 4e dimanche de carême nous éclaire quant à notre engagement dans le monde, spécialement vis-à-vis des gens et des peuples qui sont abandonnés à eux-mêmes comme cet aveugle-né.

En outre, ce 26 mars, nous fêtons exactement les 50 ans de l’encyclique Populorum progressio du pape Paul VI, qui était centrée sur le développement des peuples au moment où, en 1967, de nombreux pays du monde passaient du statut de colonie au statut d’État indépendant. Dans cette ligne les évêques de Belgique intitulent leur lettre Populorum communio. La communion des peuples [1].

En effet, à la suite du pape François, ils nous invitent à construire la communion des peuples, c’est-à-dire des relations solidaires entre les peuples, les cultures et les personnes du monde entier.

Les évêques de Belgique mettent en parallèle quatre démarches de Jésus envers l’aveugle-né et quatre démarches de solidarité que nous devons mener à bien dans le monde actuel.

La première démarche est celle du regard de Jésus sur l’aveugle-né. Alors que beaucoup de gens passent devant lui sans le regarder, Jésus voit l’aveugle et il intervient pour comprendre sa situation. Ceci nous interpelle sur notre regard face au monde d’aujourd’hui. Nous découvrons en particulier le développement de la technologie et la mondialisation qu’il entraîne. En un seul clic, nous sommes en contact avec une personne qui habite à 10 000 km. Mais en un seul clic, une personne mal intentionnée peut anéantir des milliers de vies humaines ou dévaster des kilomètres carrés de végétation. La technique peut rapprocher les gens mais elle peut aussi les isoler et les anéantir. Pour maîtriser la mondialisation, ses succès comme ses dangers, nous avons besoin d’élaborer une justice sociale qui réglemente la répartition et l’utilisation des technologies et de savoirs scientifiques.

La deuxième démarche de Jésus est son geste vis-à-vis de l’aveugle-né : il applique de la boue sur ses yeux et lui dit de se laver à la piscine de Siloé. Jésus touche la personne malade et prépare sa guérison. Ceci nous invite à faire à notre tour des gestes de miséricorde et à construire la solidarité vis-à-vis de notre prochain, spécialement envers ceux qui souffrent de la pauvreté et sont victimes de la mauvaise répartition des biens et des richesses. Dans notre pays au 19e siècle, on a réussi à lutter contre le libéralisme sauvage qui engendrait la misère du prolétariat dans les grandes villes en créant une législation sociale, grâce à la solidarité des associations de toutes sortes : syndicats, mutualités, coopératives, écoles, mouvements d’entraide. Les chrétiens ont été aux premières lignes de cette action. De même aujourd’hui, il faut valoriser dans notre monde les associations de solidarité qui permettent de contrôler les dérives de l’économie et de combattre la corruption. Durant ce carême, les collectes qui sont faites, en particulier aujourd’hui pour Entraide et Fraternité – Carême de partage, vont dans ce sens, car elles valorisent d’innombrables associations et ONG qui s’engagent pour une économie plus juste.

Troisième étape : nous découvrons que l’aveugle-né prend la parole, qu’il suscite le débat et qu’il rend témoignage à Jésus. Cette intégration nous invite à susciter aujourd’hui le débat en vue d’une communion des peuples. On discute beaucoup dans notre pays, comme dans tous les pays voisins, sur l’accueil des immigrés. On a peur des étrangers. On craint les attentats. On se replie sur des sentiments nationalistes. On refoule la mondialisation parce qu’on croit qu’elle va nous faire perdre notre identité et nos racines. Or l’avenir du monde est dans la communion des peuples. Celle-ci suppose une connaissance mutuelle entre les gens de différentes nations et de différentes cultures ; elle signifie une aide mutuelle, suivant les capacités de chacun ; cette communion est à la base de la paix entre les nations. Hier, 25 mars, nous avons célébré les 60 ans du traité de Rome, qui est à la base de l’Union européenne ; le pape François a reçu les chefs d’État de l’Europe pour manifester son soutien à la construction européenne. Cette initiative unique d’États qui se rapprochent après avoir déclenché deux terribles Guerres mondiales est exemplaire dans le monde actuel. Elle a permis d’éviter de nouvelles guerres et elle suscite l’exemple d’une réglementation mondiale de l’économie et du commerce. Ce rapprochement entre les peuples n’est pas laissé à l’initiative des chefs d’État. Il dépend aussi de chacun de nous dans nos relations quotidiennes, dans nos conversations et dans nos initiatives d’accueil des étrangers.

La quatrième étape est celle de la foi et de la mission. L’aveugle-né dit à Jésus : « Je crois, Seigneur » et il se prosterna devant lui. Il devient un disciple et invite les autres à le devenir : « Voulez-vous devenir ses disciples ? », dit-il à ses interlocuteurs. Cette mission, les évêques la voient en particulier dans celle de sauvegarder la création et de protéger notre terre. C’est l’engagement pour l’écologie. Nous devons nous sentir responsables de notre maison commune qu’est la terre. Le pape François a développé cela dans son encyclique Laudato si’, où il prône une écologie intégrale, c’est-à-dire un respect de la terre, de l’air, des eaux, de la végétation, des animaux et de l’être humain lui-même. Cette démarche est à la fois politique et personnelle. Elle exige un engagement de toutes les nations pour sauvegarder le climat et protéger les ressources naturelles, par une législation internationale et même par une gouvernance mondiale. Elle demande aussi un engagement personnel comme le tri des déchets, l’épargne dans la consommation, l’agriculture respectueuse de la nature, et bien d’autres attitudes qu’on appelle aujourd’hui la démarche de « transition ».

Chers Frères et Sœurs, par ces quatre étapes, nous nous rapprochons de l’attitude de Jésus vis-à-vis de l’aveugle-né. On pourrait les résumer par quatre mots : regard, geste, communion, mission. À la lumière de cet évangile, chacun de nous peut se reconnaître dans la personne de l’aveugle-né ; chacun de nous est en quelque sorte aveugle dans sa vie ; il n’y voit pas clair ; il se sent refoulé, mal compris. Mais quand Jésus passe, il nous regarde et nous remet debout. Il nous touche les yeux et nous dit : va te laver à la piscine de Siloé. Il fait un geste qui suscite une marche en avant.

Cette eucharistie que nous célébrons est comme la piscine de Siloé : nous y venons avec nos aveuglements, nous écoutons Jésus, nous sommes touchés par sa parole, nous lavons les yeux de notre cœur et nous communions à son corps car il se donne à nous. Dans notre cœur, Jésus nous parle ; et il dit à chacun de nous, comme à l’aveugle guéri : « Tu me vois, c’est moi qui te parle ». Il nous délivre de notre aveuglement et nous pousse en avant. De la communion des cœurs, surgit la communion des peuples!

Cela dit, n’oubliez pas de vous procurer la lettre des évêques… et de la lire !

Amen !

Mgr Delville

Ci-joint le texte intégral : de la Lettre des évêques de Belgique pour les 50 ans de l’encyclique «Populorum progressio» du pape Paul VI