Actes 2, 1-11 : irruption explosive de l’Esprit Saint sur le petit groupe des disciples, la première cellule de l’Eglise naissante. L’Esprit fait sortir l’Eglise du Cénacle ; les disciples sortent de la peur pour être d’infatigables missionnaires : ils « crient » Jésus dans toutes les langues. Le 50ème jour après la fête juive de la Pâque, on célébrait le don de la loi au Sinaï ; si le don de l’Esprit se réalise en cette commémoration, c’est pour montrer combien il porte à leur accomplissement plénier les promesses de l’A.T. La fête juive avait rassemblé à Jérusalem une foule immense venue de tout le bassin méditerranéen : un public tout trouvé pour cette nouvelle révélation.

Romains 8, 8-17 : procédé sémitique de l’antithèse. C’est le thème des deux voies, très cher aux Juifs. Ou bien on reste sous l’emprise de la chair, on en reste esclave, on est « voué à la mort à cause du péché », ou bien alors on choisit d’être conduit et habité par l’Esprit qui est vie, pour être fils et héritiers avec le Christ. Ou bien on est esclave (on a peur de Dieu), ou bien on est fils.

Jean 14, 15…26 : l’Esprit est donné au disciple qui aime le Christ, qui est fidèle à ses commandements, qui demeure en Christ. C’est le Christ qui prie pour que l’Esprit soit donné. L’Esprit de vérité, le Défenseur, inspirera les disciples, les instruira par son « inhabitation », les animera, respirera en eux le souffle de l’amour qui les poussera à agir au Nom de Jésus.

Homélie de Vénuste.

Ce dimanche, 50 jours après Pâques, nous célébrons la Pentecôte. Après Pâques et Noël, il s’agit de la troisième fête la plus solennelle du calendrier chrétien. Elle fait mémoire du don de l’Esprit Saint aux premiers disciples. L’événement est raconté comme la réalisation plénière de ce qui n’était que préfiguration lors du don de la Loi au Sinaï ; il est raconté aussi comme antidote à la tour de Babel.

Elle a pour cadre la fête juive de la Pentecôte. Il existait dans l’ancien Israël une fête de la moisson qui se célébrait sept semaines après la coupe des premiers épis d’orge : une fête agricole où l’on venait remercier Dieu pour les récoltes par l’offrande des prémisses. Vers l’époque du Christ, la tradition juive a mis cette fête populaire en relation avec l’événement du don de la Torah (la loi juive) par Dieu au désert sur le mont Sinaï. La fête de la moisson perdit petit à petit son caractère agricole pour devenir le complément de la fête de Pâque (qui fait mémoire de la libération du peuple hébreu de l’esclavage en Egypte). Shavouot. « Fête des Tentes ». « Fête des Semaines » parce qu’elle se situe 7 semaines après Pâques, donc après 49 jours (7 x 7, le chiffre 7 étant le chiffre de la plénitude), ce qui en fait le 50ème jour après Pâques. Les premiers chrétiens ne célébraient pas la fête de la Pentecôte. Ils célébraient Pâques pendant 50 jours. Encore au début du 3ème siècle, la Pentecôte désigne la durée de ces 50 jours et non la fête du 50ème jour. Ces 50 jours formaient un unique jour de fête. Au 4ème siècle, on y célébrait l’Ascension. Ce n’est que vers la fin du 4ème siècle que fut célébrée la Pentecôte comme une fête distincte de l’Ascension, une sorte de réplique du dimanche de Pâques : il fut notamment doté d’une veillée baptismale pour ceux et celles qui n’avaient pas pu recevoir le baptême la nuit pascale. Le concile Vatican II a rétabli l’usage des origines.

Les lectures de ce dimanche font deux récits de la Pentecôte. St Luc nous parle de l’événement vu de l’extérieur : l’Esprit qu’on ne voit pas avec les yeux de la chair, mais dont les effets sont visibles et époustouflants. Il le décrit avec les mêmes symboles que l’épisode du don de la Loi au Sinaï qu’il est bon de lire en parallèle : les langues de feu, le violent coup de vent… donc ce dont les nombreux pèlerins de 12 provenances (encore un chiffre symbolique), tout Jérusalem, ont été témoins en direct, dont ils ont été émerveillés. Quant à St Jean, il le décrit de l’intérieur des cœurs : la transformation stupéfiante de ceux qui ont reçu l’Esprit Saint. St Jean insiste sur l’amour et il a raison d’attirer notre attention là-dessus : en effet, en parlant de l’Esprit, nous avons tendance à comprendre l’esprit, l’intelligence, le discernement, la connaissance, l’inspiration, les idées. C’est quelque part juste, mais incomplet : c’est l’Amour qui donne ces autres dons. C’est l’Amour qui a poussé les disciples hors du Cénacle.

Par rapport à la loi du Sinaï, pour les chrétiens, la loi n’est plus écrite sur la pierre, mais dans le cœur, grâce à l’Esprit qui est le « sceau ». Par rapport à la fête des moissons, la Pentecôte donne « la promesse », la plénitude des 7 dons (encore le chiffre 7), les « arrhes » de l’Esprit. La 4ème prière eucharistique paraphrase le récit évangélique de la Pentecôte : « Afin que notre vie ne soit plus à nous-mêmes, mais à lui qui est mort et ressuscité pour nous, il a envoyé d’auprès de toi, comme premier don fait aux croyants, l’Esprit qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification. »

La Pentecôte est également l’événement fondateur de l’Eglise : l’effusion de l’Esprit fait sortir l’Eglise du Cénacle et signe son acte de naissance (quelqu’un n’a pas hésité à dire que la Pentecôte est le bing bang pour l’Eglise). L’Eglise était là en germe. Seulement elle était emmurée dans la peur : ce n’étaient pas les portes seules qui étaient fermées, les cœurs des Douze étaient verrouillés également par la peur, l’angoisse, le doute, la trahison, l’incertitude du lendemain, la vulnérabilité… Et tout d’un coup, les voilà transformés, transfigurés, tout autres : ils n’ont plus peur, ils ne doutent plus, ils sont si joyeux et exubérants qu’on pense qu’ils ont bu. Les voilà qui parlent avec audace, les voilà qui se répandent aux quatre points cardinaux pour annoncer Jésus Christ. C’est ça l’effet effusion du Saint Esprit : ceux qui étaient enfermés sont désormais envoyés en témoins intrépides. L’Esprit les projette littéralement sur la place publique pour que tous les peuples puissent entendre la Parole de Dieu et que la diversité des langues ne fasse plus obstacle à l’annonce de la Bonne Nouvelle. Quelque chose de fort s’est passé : plus rien ne les fera taire, plus rien ne les arrêtera. Voilà comment l’Eglise est née et sortit du Cénacle pour aller au-devant du monde, au-delà des frontières et des barrières de langues. On aime dire que les apôtres ont parlé une seule langue, la langue de l’amour ! Mais le texte dit bien toutes les langues : « Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?… tous, nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. » Voilà l’antidote de la tour de Babel : la diversité n’est pas gommée, mais elle n’empêche plus la parole de circuler, elle ne divise plus, elle permet la transmission et la communication. Toutes les langues entendent et chantent les merveilles de Dieu. L’Eglise parle toutes les langues. La mission de l’Eglise est appelée à devenir universelle. L’Eglise est universelle, grâce à l’évangélisation des peuples.

Alors qu’avons-nous fait de l’Esprit Saint, reçu à profusion au baptême et à la confirmation ? N’avons-nous pas perdu cette flamme, cet enthousiasme ? Où sont nos œuvres de conversion ? Pourquoi sommes-nous timorés comme si l’Esprit n’était plus à l’œuvre à travers nous ? Est-ce encore un Paraclet à qui nous faisons appel pour la mission dans notre monde et pour notre propre sanctification ? Jésus lui-même était « poussé » par l’Esprit en tout ce qu’il faisait : l’Esprit de Dieu est sur moi, il m’a envoyé proclamer, guérir, libérer… Il ne s’agit pas de passivité, quand nous disons qu’il faut se laisser conduire par l’Esprit. Essayons de le laisser agir en nous, d’être attentif à sa voix (à son souffle), de le laisser nous pousser à prier, à méditer et pratiquer la Parole, à exercer la charité. Les merveilles de Dieu qu’il faut proclamer, ce ne sont pas des anecdotes que nous entendons des autres, c’est l’expérience spirituelle, le cheminement spirituel de chacun. S’il n’y a pas de chemin parcouru, c’est que nous nous sommes déconnectés de l’Esprit. Si nous ne sommes pas poussés à l’action et à l’engagement, c’est que nous nous refusons à être portés par l’Esprit. Si nous ne savons pas prier ou si nous ne prions qu’avec les mots des autres, c’est que nous ne nous laissons pas inspirer par l’Esprit. Laissons-le nous habiter, éduquer notre foi (« il vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit »), nous porter dans le quotidien. De grâce, disait st Paul, n’éteignez pas l’Esprit, car alors on se met sous l’emprise de la chair… et c’est la mort spirituelle assurée.

Essayons aujourd’hui de prier l’Esprit, car nous prions le Père, nous prions le Fils, nous prions même les saints (à commencer par la Vierge Marie), mais rarement l’Esprit Saint. Or, selon St Paul, (à la suite de Jésus lui-même), c’est seulement à la condition d’être remplis de l’Esprit Saint que nous avons assez de confiance et d’intimité pour nous adresser au Père avec cette spontanéité de « fils » que nous le tutoyons (avec grand respect toujours). Sans l’impulsion de l’Esprit, notre prière risque d’être la prière de l’esclave qui supplie le tout-puissant, le juge, le très-haut (apaiser sa colère !). Comme fils, c’est différent, notre prière est comme celle de Jésus, elle exprime l’affection et non le devoir. Là est la distinction entre la relation de fils et celle d’esclave. Remettons-nous à le prier : il est Dieu, ne l’oublions pas, toute bonne prière est inspirée par lui qui « sonde les reins et les cœurs ». Toute prière chrétienne devrait se faire au Père, par le Fils, dans l’Esprit Saint. C’est le cas pour les prières liturgiques, elles ont été composées sur ce schéma. Mais nos prières personnelles, nos dévotions pieuses, nos pèlerinages et neuvaines, nos rogations et autres chapelets ou chemins de croix… avouons quand même que l’Esprit Saint y est le grand inconnu.

Que le même Esprit nous bouscule, qu’il secoue nos routines, qu’il balaye nos peurs et nos timidités, qu’il brise cette volonté que nous avons de nous replier sur nous-mêmes, qu’il nous pousse au large, qu’il fasse de nous des annonceurs de l’Evangile, d’infatigables témoins. Si nous l’accueillons, si nous le laissons agir en puissance, nous serons étonnés de le voir transformer nos peurs, nos doutes, nos blessures, notre vulnérabilité, notre fragilité… Par sa force, nous serons des passionnés de Jésus, des experts et missionnaires de la Parole (que nous allons prendre goût à lire et à relire : « il vous apprendra tout ce que je vous ai dit »). Quand il embrase nos cœurs, nous devenons des « bons » pratiquants, des témoins fidèles, des prédicateurs enthousiastes, des ambassadeurs de son amour.

Viens Esprit d’amour, de sainteté, de lumière, de paix, de joie, d’unité, de vie ! Esprit de Jésus, Esprit de Dieu, viens !

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