Actes 5, 27… 41 : les apôtres subissent, de la part du Sanhédrin, la même persécution que Jésus mais comme lui qui a obéi jusqu’à la mort, ils préfèrent obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Pierre donne ce qui est la prédication la plus essentielle (le « kérygme ») : « le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus que vous aviez exécuté… » L’expérience qu’ils ont eue avec le Ressuscité, ils ne peuvent la taire, ils doivent la proclamer, au risque de leur vie ; ils sont « joyeux » de ce qu’ils peuvent subir « au nom de Jésus ».

Apocalypse 5, 11-14 : ce texte a inspiré l’Agneau mystique des frères Van Eyck et … nos liturgies. Le ciel et la terre célèbrent l’Agneau immolé et vainqueur ; cependant le triomphe du Christ n’est pas celui des puissants, mais la victoire de celui qui a donné sa vie par amour.

Jean 21, 1-19 : l’évangéliste Jean place la pêche miraculeuse après la résurrection de Jésus, comme une mission et comme une garantie de fécondité, grâce à la prodigalité de l’amour de Dieu. Les disciples ont retrouvé leur métier et leurs barques, la vie a repris son rythme, mais ce n’est plus comme avant : ils sont pêcheurs d’hommes à travers leur métier et leur quotidien. Nos célébrations dominicales sont des rencontres où Jésus nous accueille à son repas, nous ressuscite de nos faiblesses et nous envoie en mission.

Homélie de Vénuste.

L’évangile de ce dimanche est tellement riche, qu’il serait dommage de ne faire que la lecture brève. On peut y distinguer 3 parties : la pêche miraculeuse, le repas et l’investiture de Pierre. Les synoptiques placent la pêche miraculeuse au tout début de la prédication de Jésus, quand il appelle ses disciples : « suivez-moi, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes ». Le quatrième évangile la place à la fin de son texte (les exégètes affirment en fait que ce chapitre 21 est une ajoute – élément oublié, appendice, post-scriptum, annexe ?- par un ou des disciples de Jean alors que lui-même avait clôturé son récit avec le chapitre 20 : « Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre…»). Si la pêche a trouvé sa place à la fin, c’est que Jésus envoie ses disciples en mission, avec tous les pouvoirs et la garantie de fécondité.

Dans le style de St Jean, ce texte est truffé de symbolismes et d’allusions. Jésus Ressuscité a donné rendez-vous aux disciples en Galilée ; arrivés là, ils sont désœuvrés et décident de tromper l’attente en retournant à leur métier de pécheurs : le Seigneur donne rendez-vous dans le quotidien, au cœur de nos occupations journalières et échecs. Ils ont peiné toute la nuit sans rien prendre, la pêche ne se réalisera que grâce à Jésus : il bénit et rend fructueux notre travail et nos sueurs quand l’absence devient abondance, il suffit de suivre la voix du Seigneur qui indique le bon côté où jeter le filet.

La pêche de nuit : rien de plus naturel, puisque c’est la nuit qu’on espère prendre le plus de poissons. Mais à cette nuit s’oppose le lever du jour, l’heure où Jésus « se fait voir et reconnaître » (le terme manifestation est à préférer au terme apparition, apparaître c’est comme si on allait disparaître alors que Jésus reste présent même si invisible) ; l’heure où tout repart comme si tout s’était arrêté ; c’est l’heure où tout redevient possible, l’heure de la résurrection. Alors la nuit prend une autre signification : c’est la nuit du doute et de l’incroyance, de la déception, du désarroi, de la tristesse que le Maître n’est pas là, la nuit des trahisons et des reniements (nous sommes tous un peu Judas et un peu Pierre) ; c’est la nuit de l’échec puisqu’ils n’ont rien pris. Alors la mer elle-même prend une autre signification : dans la Bible, la mer est le lieu des puissances hostiles ; elle est la mer de l’histoire qui soulève des tempêtes lors des persécutions et des schismes… Mais la mer devient le lieu de la rencontre féconde avec le Seigneur ; c’est l’eau du baptême qui régénère et recrée ; c’est le milieu naturel, le biotope des 153 poissons qui ne peuvent ni vivre ni respirer en dehors de l’eau du salut : c’est St Jérôme qui explique le chiffre 153 en disant que l’antiquité croyait qu’il n’y avait que 153 espèces de poissons ; pour lui, ce chiffre évoque toutes les nations de la terre que les apôtres ont à sauver de l’eau pour les accueillir dans la barque qu’est l’Eglise. Dans l’Eglise primitive, les chrétiens s’identifiaient et se faisaient reconnaître par le dessin et le pictogramme du poisson, le terme grec pour dire poisson – icqus – acronyme formant les initiales des titres de « Jésus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur ». La barque est bien entendu « la barque de Pierre », l’Eglise qui doit « ramer », souvent ballottée par les flots de l’histoire et du monde, mais qui est, telle l’arche de Noé, le seul moyen sûr pour être sauvé des eaux et arriver sain et sauf à bon port au paradis. Le filet qui ne se rompt pas, malgré la multitude et la diversité des poissons (les nations de la terre), est signe d’unité. Et Jésus est déjà sur l’autre rive de l’éternité, il nous attend, nous prépare la table eschatologique, nous invite… La pêche quant à elle, symbolise l’activité missionnaire souvent difficile, parfois sans résultats visibles, mais toujours fructueuse par la présence et la force de Jésus. Jésus demande de jeter le filet alors qu’il a déjà du poisson sur le rivage : c’est qu’il nous précède dans la mission mais sollicite notre collaboration ; il prépare les cœurs, mais nous fait l’honneur de compter sur notre labeur et notre témoignage ; le repas eucharistique est don de Dieu mais aussi fruit de la terre et du travail de l’homme.

Le repas. Du pain et du poisson : l’iconographie des premiers siècles représentait l’eucharistie par le pain et le poisson. Ce récit de petit déjeuner sur la plage est à lire en parallèle avec les récits de multiplication des pains et de la Cène du Jeudi Saint (et même le récit de la Samaritaine). Le repas a toujours été pour Jésus, un grand moment de révélation de son amour, de son intimité. Même quand il est reçu dans une maison, c’est lui qui offre l’abondance comme à Cana. Dans notre récit, il a tout préparé, même s’il demande aux siens d’apporter du poisson qu’ils ont pris. Au repas eucharistique, il bénit le pain et le vin que nous lui apportons pour en faire son Corps livré et son Sang versé pour notre vie éternelle. D’où l’importance de l’Eucharistie pour nos vies, l’importance aussi des assemblées dominicales où nous sommes invités et attendus : on a beau être assidu à la messe de la TV, il manquera cruellement la présence du Seigneur à travers l’assemblée et le repas eucharistique (cfr le confinement lors du virus).

L’investiture de Pierre. La primauté de Pierre est mise en relief, cela est à souligner fortement, d’autant plus que le texte a été rédigé par des personnes ou des communautés sous l’influence de la personnalité de St Jean (des études ont révélé des rivalités entre les disciples de Jean et ceux de Pierre). C’est Pierre qui prend l’initiative d’aller à la pêche ; c’est lui qui rejoint le premier le Seigneur sur le rivage (comme quand Jean le laisse entrer le premier au tombeau), c’est Pierre qui amène jusqu’à terre le filet plein de gros poissons. Et surtout le dialogue de Jésus avec Pierre : comme il a renié trois fois son Maître, celui-ci, dans sa délicatesse, ne lui reproche pas son péché, mais il lui permet de faire une triple déclaration d’amour et il lui confie la responsabilité de « mes » brebis (il lui passe ses pouvoirs sans lui donner la propriété des siens). Ce faisant, Jésus est vraiment pêcheur d’hommes : Pierre s’était enfoncé jusqu’au cou dans son triple reniement, Jésus le « repêche » et c’est à lui, malgré ses faiblesses, qu’il dit « pais mes agneaux, sois le berger de mes brebis ». Par trois fois : il paraît que, à cette époque, pour vraiment marquer la passation de pouvoirs, il fallait le dire trois fois. Jésus est le seul Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, mais il délègue l’ancien pêcheur qui devient le berger de l’Eglise. A noter que la scène se passe au même endroit du lac du premier « suis-moi » : le deuxième « suis-moi » arrive à point nommé, car désormais Pierre a fait tout un chemin (au sens physique et spirituel), il sait que suivre le Christ, cela passe par des vendredis saints (« tu étendras les mains… Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. »). Il doit aimer comme Dieu l’a aimé, jusqu’au bout, jusqu’à donner la vie. C’est cet amour qui fait autorité dans l’Eglise : l’amour qui est service. Le Pape François l’a rappelé dans l’homélie de la messe de son « installation ». Que l’Eglise soit servante surtout pour les plus humbles, les plus pauvres. Ma vocation, c’est l’amour, disait « la petite » Thérèse.

« M’aimes-tu ? » Normalement quelqu’un est mis à la tête d’un projet ou d’une société parce qu’il montre de la force physique ou du génie, beaucoup de sens d’organisation ou de management (efficacité, rentabilité, performances). Sinon c’est du favoritisme. Le seul critère de Jésus est l’amour-service : m’aimes-tu plus que ceux-ci ? Avant sa mort, il est arrivé à Jésus de demander aux personnes : « Est-ce que tu crois ? » Maintenant qu’il a donné la preuve, à travers sa mort, de l’amour fou dont il a aimé les siens, il leur demande : « M’aimes-tu ? » La même question nous est adressée : « le christianisme n’est pas un ensemble de doctrines et de pratiques, c’est quelque chose de beaucoup plus intime et profond » (St Augustin), c’est une relation d’amitié entre Jésus et chaque disciple comme partenaire. Si on l’aime vraiment « plus que ceux-ci », on se mettra à le suivre, on participera à la pêche. M’aimes-tu assez pour te passionner de moi ? M’aimes-tu assez, d’un amour fort, total, inconditionnel, assez pour engager toute ta vie ? C’est autre chose que le « serment » qu’on fait prêter aux évêques et les vœux pour les prêtres ou aux professeurs d’universités lors de leur élection avant de monter à la « chaire » (cathedra) !

Le Christ va se manifester au cours du repas eucharistique qu’il nous a préparé pendant que nous étions occupés à notre quotidien vers lequel nous allons retourner. Il s’intéresse à notre vie, à notre métier, à nos besoins, à notre faim : si nous sommes ses disciples bien-aimés comme Jean, nous allons le reconnaître tout de suite. C’est dans notre quotidien qu’il nous envoie jeter le filet : si nous laissons sa puissance opérer, la pêche sera abondante. Prions pour avoir assez d’amour pour notre Seigneur afin de reconnaître sa présence et son action dans nos vies, dans nos communautés, dans nos assemblées liturgiques. Prions aussi pour ceux qui sont investis d’une autorité dans l’Eglise et dans le monde : que cette autorité soit amour et service surtout à l’égard des petits et des faibles.

Commentaire de Père Jean.

Jésus se manifesta encore aux disciples sur le bord du lac de Tibériade, et voici comment. Il y avait là Simon-Pierre, avec Thomas, dont le nom signifie Jumeau, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres disciples.  Simon-Pierre leur dit : «Je m’en vais à la pêche. » Il lui répondirent : « Nous allons avec toi. » Ils partirent et montèrent dans la barque ; or, ils passèrent la nuit sans rien prendre.  Au lever du jour, Jésus était là, sur le rivage, mais les disciples ne savaient pas que c’était lui. Jésus les appelle : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? » Ils lui répondirent : « Non, rien ». Il leur dit : « Jetez le filet à droite de la barque, et vous trouverez ». Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivèrent pas à le ramener tellement il y avait de poisson. Alors, le disciple que Jésus aimait dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Quand Simon-Pierre l’entendit déclarer que c’était le Seigneur, il mit une ceinture sur sa blouse, car il n’avait rien d’autre sur lui, et se jeta à l’eau. Les autres disciples arrivent en barque, tirant le filet plein de poissons : la terre n’était qu’à une centaine de mètres. En débarquant sur le rivage, ils voient par terre un feu de braise avec du poisson posé dessus, et du pain. Jésus leur dit : « Apportez donc de ce poisson que vous venez de prendre. » Simon-Pierre monta dans la barque et amena jusqu’à terre le filet plein de gros poissons : il y en avait cent cinquante-trois.  Et, malgré cette quantité, le filet ne s’était pas déchiré. Jésus dit alors : « Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osait lui demander : « Qui est-tu ? » Ils savaient que c’était le Seigneur. Jésus s’approche, prend le pain et le leur donne, ainsi que le poisson. C’était la troisième fois que Jésus ressuscité des morts se manifestait à ses disciples.

Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur, je t’aime bien, tu le sais. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur, je t’aime bien, tu le sais. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, est-ce que tu m’aimes vraiment ? » Pierre fut peiné parce que, pour la troisième fois il lui demandait : « Est-ce que tu m’aimes vraiment ? » ,et il répondit : « Seigneur, tu sais tout : tu sais que je t’aime vraiment ». Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Je te le dis, en toute vérité : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les bras, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller ». Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu.

Le chapitre 21 de saint Jean (dont un extrait important ci-dessus) semble être un ajout, vu que le chapitre 20 se termine par ‘tout ceci a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu et que par la foi en lui vous ayez le vivre de Dieu en vous’. Pour quelle raison cet ajout ? Au chapitre 20 Jean l’évangéliste nous a d’abord fait rencontrer individuellement Jésus Ressuscité par les récits de Marie-Madeleine, de Pierre et de Jean, pour ensuite passer à la rencontre collective de l’assemblée des disciples, d’abord sans Thomas, ensuite avec lui. En ce 21ième chapitre il est de nouveau question de la rencontre collective : même si celle-ci ne supplante pas la démarche individuelle, il nous est montré notre responsabilité collective en tant que communauté croyante en Jésus Resssuscité. Le plus important est de lire et d’écouter ce chapitre comme témoin de Jésus en relation avec les autres.

Voilà que Jésus se manifeste encore à ses disciples, mais en Galilée au bord du lac de Tibériade : il est assez étonnant que Jésus se manifeste en Galilée : près de 9 dixièmes de l’évangile de Jean se passe en Judée ; il y a bien entendu trois exceptions majeures qui se situent deux à Cana en Galilée, avec les noces à Cana où l’eau devient vin et d’autre part la guérison du fils de fonctionnaire royal, de mourant il ressuscite à Capharnaüm à partir d’un simple énoncé de Jésus à Cana par trois fois : ‘ton fils est vivant’ (à distance) ; la troisième fois quand Jésus nourrit la foule et la retrouve à Capharnaüm pour le discours sur le pain de vie. Etonnant qu’au lac de Tibériade en Galilée, Pierre se retrouve avec Thomas (l’incrédule) dont le nom signifie Didyme (jumeau), Nathanaël (de Cana), les fils de Zébédée (Jacques et Jean, ce dernier devenant le disciple que Jésus aimait) et deux autres dont le nom n’est pas cité. Une  partie donc des douze (réduits à onze) apôtres. Plus étonnant, le mot que Pierre adresse aux compagnons : « Je m’en vais à la pêche », lui qui avait délaissé tout, barque comprise, pour suivre Jésus : malgré les apparitions signalées  en ce même saint Jean, ces fois-là à Jérusalem, le jour de Pâques et huit jours plus tard, il semble décidé à reprendre le métier d’avant, pêcheur de poissons. Fin de carrière ? Les autres suivent comme des moutons, y compris Thomas et Jean !: « Nous allons avec toi ». Comme des moutons suivant le berger. Tenez, est-ce que nous nous retrouvons parfois pas dans ce retour en arrière : si oui, montons dans la barque, il y a quelqu’un à rencontrer. Ils partent dans la barque, passent la nuit (moment des ténèbres, car ils ne voient pas très bien ce qu’ils font là), d’autant plus qu’ils ne prennent rien. Voilà que le jour se lève, la lumière éclaire leurs ténèbres : un homme est sur le rivage, et ils ne savent pas que c’est Jésus, qui leur crie : « Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger ? »  De Jésus, quelle jolie requête bien tendre : ‘ les enfants’,  et non pas une récrimination sur leur abandon de leur mission de pêcher des hommes. Réponse des apôtres très peu amène : « Non, rien ». Jésus se permet de donner un bon conseil, alors qu’il se trouve devant des ‘professionnels’ de la pêche : « Jetez le filet à droite de la barque et vous trouverez ». Visiblement lui, le non professionnel, leur a parlé avec autorité, puisqu’ils dirigent la barque à l’endroit voulu. Et la quantité de poisson,  dans leur filet, est telle, que le ‘disciple que Jésus aimait’ dit à Pierre : « C’est le Seigneur ! » Il faut se savoir aimé de Jésus pour le reconnaître vivant ; c’est toujours d’actualité ! Et avec la modestie de confier cela au chef…Pierre, fougueux comme toujours, prend le temps de se montrer convenable, se jette à l’eau. Les autres disciples viennent en barque tirant le filet qui ne se déchire pas (pensez 153 poissons : la somme des 1 à 17, le nombre de classes de poissons connu de l’antiquité ? peu importe) En débarquant sur le rivage, ils voient, par terre, un feu de braises avec du poisson posé dessus et du pain. Le petit déjeuner préparé par Jésus ? Oui et non, car Jésus veut avoir besoin des poissons pêchés par ses disciples : Beau geste significatif de Jésus avec sa déférence pour les siens. Pierre  monte dans la barque pour les apporter à Jésus. Alors Jésus dit : « Venez déjeuner » Aucun des disciples n’ose poser la question : « Qui es-tu ? » car ils ‘savent’ par la foi, grâce à la médiation des signes, que c’est le Seigneur. Geste de Jésus, un signe : ‘ il prend le pain, le leur donne ainsi que du poisson’. 3ième manifestation de Jésus Vivant- pour-eux.

Suit le dialogue de Jésus avec Pierre. Il y sera question de savoir ce qu’est ’aimer’. En grec il y a deux mots différents : ‘philein’ : ‘avoir de l’amitié’, toujours un peu fragile, et ‘agapè’ ce qui est un amour absolu, sans failles quoiqu’il arrive, l’amour de Dieu. Or la question que Jésus posera par deux fois à Pierre est de savoir s’il l’aime de ‘façon absolue’. La réponse de Pierre est qu’il aime Jésus avec la fragilité de l’amitié, (Jésus le sait en fait :Pierre avait renié par trois de connaître Jésus). Néanmoins, ces deux premières fois, la réaction de Jésus est de confier à Pierre le mandat sur son troupeau : une première fois, « Sois le berger de mes agneaux », une deuxième fois : « Sois le pasteur de mes brebis ». En grec il est aussi fait la distinction entre berger et pasteur, l’un garde et l’autre fait paître, et la distinction se retrouve pour les ‘agneaux’ et ‘brebis’, les uns ont besoin de ‘garde’ et les autres font partie du troupeau avide de trouver les pâturages.

La troisième fois, la question de Jésus est : « M’aimes tu vraiment comme un ami ? » : j’y vois le désir de rejoindre Pierre là où il en est dans sa relation avec Jésus, se souvenant aussi les trois reniements de Pierre : ‘je ne le connais pas’, ‘je ne suis pas de ceux-là’ ‘je ne comprends pas de quoi tu parles’. Le texte d’origine en grec ne reprend pas le mot vraiment, ni dans la question de Jésus ni dans la réponse de Pierre : « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime (vraiment). Et Jésus de reprendre le même mandat : « Sois le berger de mes brebis » Alors Jésus lui révèle son avenir : Pierre jeune s’étant habillé lui-même pouvait aller où il voulait ;  vieux, d’autres te mettront la ceinture (quand il sera arrêté) pour te mener là où tu ne voudrais pas aller (au martyre). Jean d’ajouter : par ce genre de mort, Pierre rendrait gloire à Dieu. 

Questions à partir de ce texte du chapitre 21 de Jean.

Récit dans le contexte de la communauté postpascale : les personnages sont bien sûr Jésus, Pierre et le disciple que Jésus aimait. Mais il y a deux autres noms qui sont cités. Thomas en premier : lui qui a dit : ’Si je ne mets pas les doigts dans ses plaies, non je ne croirai pas, et pourtant son dernier mot : ‘mon Seigneur et mon Dieu’.  Nathanaël : à l’annonce de Philippe qu’il a découvert le Messie, de Nazareth, sa réponse fuse : ‘qu’est-ce qui peut provenir de bon de Nazareth ?’. Dès la première entrevue avec Jésus, il dira : tu es le fils de Dieu. Voilà deux qui devenaient incrédules qui sont devenus croyants : comme nous ?

Bien sûr il y a Jésus, Pierre et le disciple que Jésus aimait (Jean) : le lien entre eux dans ce texte est le verbe ‘aimer’. Rappelons qu’aimer n’est pas avant tout une relation de ‘sentiments’, mais aimer entre deux êtres est vouloir que l’autre ‘vive’, réussisse sa vie. Les parents savent très bien que leur mission est d’éduquer leur enfant, en se réjouissant qu’à cet investissement répondent des câlins et le sourire. L’amour pour être totalement réussi requiert la réciprocité.

Le disciple que Jésus aimait. Jésus y est le sujet, l’aimé est le COD. L’origine de la relation est Jésus, le disciple le bénéficiaire. Ici Jésus est à l’origine de la pêche miraculeuse de poissons qui nourriront l’assemblée. Les autres sont affairés autour du filet prêt à se rompre, pour le ramener dans la barque, mais c’est le disciple que Jésus aimait, qui met directement un lien entre Jésus avec l’homme, qui a pris l’initiative de demander s’ils avaient de quoi manger ? Devant leur dénégation il donne des indicatifs pour réussir la pêche. Jean l’a vu : ‘C’est le Seigneur !’ Il ‘interprète’ cela comme un signe de ce que Jésus vient nourrir les hommes, comme Jésus a nourri la foule avec 5 pains. La première chose qu’il fait est de transmettre son message à l’autorité de Pierre. Donc il a vu le signe et il l’annonce : pourquoi ? parce qu’il se sait aimé du Seigneur. Il est donc le modèle du croyant : ayant perçu l’amour de Jésus pour lui, sa réciprocité est d’interpréter sa découverte dans la pêche pour en faire part à celui qui représente l’autorité de la communauté. Questions : est-ce que je crois vraiment que Jésus m’aime, et que cet amour me fait découvrir de quoi réussir l’entreprise de la communauté ? Ai-je le réflexe de partager avec d’autres ma découverte ?.

Pierre : Lui a été appelé par Jésus au chapitre 1 de l’évangile : ‘Simon, fils de Jean, tu seras appelé Pierre’, c’est-à-dire roc. (changement de nom qui dit toute l’autorité (faire grandir) que Jésus a sur lui, d’ailleurs il le suit. Il y a de nombreux moments où Pierre sera le leader incontesté, prenant la parole au nom de ses compagnons, mais aussi les quelques fois où Pierre s’insurge contre Jésus, car il ne veut pas que Jésus suive le chemin de la mort, cela culminera dans le triple reniement (je ne le connais pas, je ne suis pas de ceux-là, je ne sais pas de quoi tu parles). D’ailleurs curieusement dans notre texte, Pierre reprend son métier de pêcheur de poissons avec sa barque, alors que Jésus lui avait dit : ‘tu seras pêcheur d’hommes’. Et tous veulent l’accompagner pour la pêche qui s’avérera infructueuse. Notre histoire à nous, avec ses hauts et bas en tant que disciples de Jésus ? Faisons-nous mémoire de ces hauts et bas, pour trouver la joie de Pierre, lui qui à l’annonce de Jean : ‘c’est le Seigneur’, veille à se vêtir par respect de Jésus, se jette lui-même dans les eaux de la mer de Tibériade, arrive le premier pour rencontrer Jésus. Avec les autres arrivés en barque, il constate le feu de braises, les poissons grillés et le pain, un vrai repas qui peut commencer ? Non, car Jésus veut avoir besoin des poissons pêchés par ses disciples, avant d’entamer le repas. (comme avec les cinq pains dans les mains des apôtres lorsqu’il nourrira 5000 personnes

Sitôt le repas terminé, Jésus s’approche de Pierre pour une entrevue avec lui au milieu des siens avec la question fondamentale : ‘Simon, fils de Jean, m’aimes-tu d’un amour absolu sans failles ?’ Le sujet est maintenant Pierre et le COD Jésus !  A quoi Pierre répond : ‘Oui, Seigneur, je t’aime comme on aime un ami, tu le sais’. Pierre reprendra une deuxième fois cette question, avec la même réponse. Une troisième fois Jésus modifie son vocabulaire : ‘M’aimes-tu comme un ami ?’ (Jésus délicatement vient rejoindre le vocabulaire de Pierre !) et la réponse de Pierre avec vivacité : ‘Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime comme un ami’. Les réponses de Pierre sont-elles les mêmes que les nôtres ? Est-ce aussi avec la nuance comme un ami ? Pierre en est peiné, parce que ces trois interrogations sont le rappel du triple reniement : ‘quels sont mes reniements ? Est-ce que je m’en rends compte ? Comment affiner mon amour en amour sans failles : que l’Esprit Saint m’y aide à discerner comment la relation avec Jésus prouve mon adhésion totale à lui ?

La triple réponse de Jésus est la confirmation de l’envoi de Pierre comme son fondé de pouvoir : moi aussi je vous envoie pareillement. La mission de Pierre sera d’être le berger des agneaux, le pasteur des brebis. Le berger évoque le rassemblement du troupeau, le pasteur l’envoi des brebis en plein pâturage pour les nourrir. Brebis et agneaux : tous les âges sont concernés, vieux et jeunes. Bien sûr cette mission s’adresse avant tout à Pierre que Jésus a institué comme porteur des clefs du Royaume, mais ne participons-nous pas tous à cette mission qui correspond à la volonté du Père, qui veut que tous ceux qu’il a confiés à Jésus (tous lui ont été confiés) qu’il n’en perde aucun, et les amène tous à la vie éternelle. A chacun à son niveau d’avoir ce désir de répondre à la volonté du Père. En fin de cette histoire Jésus fait allusion au fait que ‘jeune’ on peut aller où l’on veut, alors que vieux d’autres vont prendre la relève, mais que de toute façon, pour Pierre, Jean, Thomas et Nathanaël et nous : la conclusion est le ‘témoignage’.  

Ajout du chapitre 21 de saint Jean. (D’après Jean Zumstein dans ‘Nouveau Testament commenté)

Rôle de cet ajout réalisé par ‘l‘école johannique’ : bien situer la présence de Jésus ressuscité dans la communauté postpascale.

Dans l’évangile de Jean, il s’agissait de la révélation christologique (qui est le Christ ?), dans l’ajout, pas de la main de Jean, l’attention se porte sur la communauté postpascale. La scène proposée se passe en Galilée,  au lac de Tibériade et elle contient deux parties : a. la combinaison entre une apparition de Jésus et un miracle, celui de la pêche abondante d’une part, b.d’autre part un dialogue de Jésus avec Pierre . Il y est exposé la caractéristique du temps postpascal en 5 aspects, et le fonctionnement de la communauté chrétienne. D’abord la nouvelle présence de Jésus ressuscité en continuité de celle du Jésus terrestre

 En 1. En écho au chapitre 6 avec le signe de ce que Jésus (terrestre) nourrit la foule et parle longuement du pain de vie, ici c’est le Christ postpascal qui apparaît pour faire un signe et lui donner toute sa signification. Un parallèle entre Jésus ‘terrestre’ et  Jésus ressuscité. L’abondance du pain qui nourrit devient la pêche abondante qui aboutit à un repas. Ainsi la continuité de Jésus consiste en nourriture abondante. Jésus se manifeste par la médiation d’un signe (geste (pain et poisson) et parole)

 En 2. Le ressuscité se manifeste où et quand il le veut, mais toujours à l’avantage des disciples.  Il est difficile de le reconnaître : à la fois il est caché et pourtant il se révèle.

En 3. Les ‘lecteurs de l’évangile’ sont invités à se reconnaître dans la barque, ici lors de la pêche infructueuse quand Jésus n’y est pas reconnu. Ils sont conviés à s’en remettre à la parole du Seigneur donnant des indications afin que la pêche soit fructueuse :  c’est le but, car les hommes ont besoin de cette nourriture (en 6 : le pain de vie, en 21 l’abondance des poissons : en grec ‘ichtus’ : ièsos christos théos uios sôtèr : Jésus le Christ, le Fils de Dieu, le Sauveur. ‘Logo’ de Jésus en poisson dans la première communauté chrétienne. Invitation donc à se réveiller (ressusciter) pour écouter la parole du Seigneur. Lui seul peut donner ce dont nous avons besoin.

En 4. En la communauté il y a ‘deux types’ : l’un, qui se sait aimé de Jésus, est capable d’interpréter avec perspicacité les signes, l’autre (bien sûr Pierre) appelé à être le berger du troupeau et a donc un rôle pastoral. ‘Jean’ se révèle disant : ‘c’est le Seigneur’, ‘Pierre’ se révèle en ceignant un vêtement pour marquer son respect vis-à-vis de Jésus, il se jette à l’eau (en grec se jette lui-même dans la mer) donnant ainsi la mesure de son engagement, il tire seul le filet plein de poissons (153) sur la berge, bref il s’affirme comme le leader d’un Eglise nombreuse, à la fois diverse et universelle. Il assure l’unité, le filet ne se déchire pas.

En 5. La communauté postpascale a besoin de médiations : 1. l’interprète, le disciple que Jésus aimait, qui sait reconnaître le Ressuscité dans le présent de la foi et le désigner aux frères de la communauté. 2. Besoin du pasteur qui entraîne les siens pour aller pêcher, se précipite à la rencontre du Seigneur et garde toujours les croyants dans l’unité

Dialogue entre Jésus  et Pierre.

Après le repas Jésus entame un dialogue  avec Pierre. Il lui révèle son rôle dans la communauté postpascale.

En 1.Evoquant au chapitre 1 le premier appel à ‘Simon , fils de Jean’ Tu t’appelleras Céphas, ce qui est Pierre, ici aussi Jésus l’interpelle de même façon, mais pour lui poser la question essentielle : ‘m’aimes-tu ?’ ( agapè :d’un amour sans failles, amour absolu à l’image de Dieu) La réponse de Pierre sera : ‘Oui Seigneur, tu le sais, je t’aime comme un ami (philia). Par trois fois, mais la dernière fois, Jésus lui dira : ‘m’aimes-tu comme un ami ?’ comme pour rejoindre le caractère versatile d’une amitié qu’est celui de Pierre, à quoi Pierre, peiné, répondra avec vivacité : ‘Tu sais tout, tu sais que je t’aime (comme un ami)’

En 2. Pierre est peiné parce que pour la troisième fois Jésus repose la question essentielle, y voit une allusion au triple reniement lors de la Passion de Jésus (je ne sais pas de qui tu parles, je ne suis pas de ceux-là, je ne le connais pas )

En 3. A l’image du chapitre 10 de saint Jean où Jésus s’était présenté comme le bon berger qui connaît ses brebis et déclare être prêt à donner sa vie pour ses amis, Jésus par trois fois dira quel est le rôle de Pierre : ‘Sois le berger de mes agneaux’..’sois le pasteur de mes brebis’ ‘sois le berger de mes agneaux. Berger est celui qui rassemble les agneaux dans le bercail, pasteur est celui qui conduit les agneaux aux pâturages pour les nourrir. Agneaux et brebis : de tout âge. Triple envoi positif : le pasteur Pierre a retrouvé sa fonction au sein de la communauté.

En 4.Il y a l’évocation de l’avenir de Pierre : quand tu étais jeune, tu te mettais la ceinture toi-même, et tu pouvais aller où tu veux. Quand tu seras vieux, tu étendras les bras et c’est un autre qui te mettra la ceinture pour t’emmener  où tu ne voudrais pas (l’avenir à chacun qui vieillit dans la dépendance ?). Mais il est ajouté que Jésus disait cela pour signifier de quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu : le martyre jusqu’au bout, témoignage jusque dans la mort, à l’image du maître.

3° Pâques – c Évangile de saint Jean 21, 1-19

Catégories : Homélie