« L’actualité des dernières semaines nous a replongé dans l’horreur des attentats de Zaventem et de Bruxelles. Des témoins se sont succédés à la barre pour témoigner de ce qui leur est arrivé et des conséquences dramatiques que cela a eu pour leur vie.ü « Ce n’est pas la mort que j’ai vue, mais c’est l’enfer »ü « Il n’est pas pensable que ma fille ait disparu et qu’il n’en reste que de la poussière »ü « Après ce qu’on a vécu, il faut se bouger, il est temps d’avancer ». Tous ces témoins parlent de ce qui leur est arrivé avec des mots parfois très crus, mais presque toujours de leur vie d’après, j’allais dire de « résurrection » si ce mot je ne le réserve pas pour ce« mystère qu’il faut s’approprier petit à petit, ce mystère qui est trop grand pour nous » témoignait une jeune femme engagée auprès des plus démunis dans une séquence de « soif de vivre » (…)(…) Éric-Emmanuel Schmitt, dans une interview de la Libre Belgique avouait : « Le mystère désigne ce que la pensée n’arrive pas à percer ni à penser complètement. Il faut donc le réfléchir, le ressentir, l’éprouver, le fréquenter avec confiance. La foi c’est accepter d’être dépassé ». Celui qui était couché sous la pierre tombale est debout. Celui qui était enfoncé dans les ténèbres de la mort s’éveille à une vie autre, hors du temps, à jamais dans l’amour, c’est-à-dire en communion avec Celui qu’il appelle son Père. L’instant de la résurrection ouvre Jésus, et l’humanité entière avec Lui, à une dimension nouvelle : les faiblesses, les replis sur soi-même sont bousculés comme la pierre qui fermait le tombeau. Les linges sont posés à plat, ainsi que le suaire, comme les témoins désormais inutiles d’une autre vie, celle d’avant, mortelle, car une vie autre, autrement, commence, d’abord pour Marie Madeleine, puis pour Pierre et Jean, puis…. Pourquoi pas pour nous ?Le récit évangélique de ce matin de Pâques nous indique le chemin à suivre. De Jésus, apparemment, il ne reste rien, le vide d’une tombe, le vide profond de la mort de l’être cher, le vide de l’abandon des amis… « on a enlevé le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a déposé ». Et eux de se précipiter, de courir… pour aller voir si c’est vrai, si ce qu’elle dit est bien vrai ! L’un constate, sans apparemment n’y comprendre quoi que ce soit, l’autre, l’évangéliste voit et, s’exclame, il croit… sans nous dire d’ailleurs ce qu’il croit, nous laissant supposer que ce qu’il croit est de l’ordre de ces paroles, serinées par Jésus : « Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’Homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort. Et trois jours après, il ressuscitera » Car conclut le récit évangélique : « Jusque-là les disciples n’avaient pas compris… ». Jean-François écrivait :« Croire, faire confiance, cela ne se réalise pas en un claquement de doigt. Il ne suffit pas de sprinter, encore faut-il résister, voire endurer. Résister aux doutes, à la lassitude, à l’ennui peut-être. (…) N’est pas fidèle celui qui envisage sa vie comme s’il la regardait du balcon, passivement, mais celui qui prend le temps
de la sculpter, d’en faire une œuvre, de la rendre belle et bonne. Infatigable fidélité ! ».Il leur a fallu du temps pour y croire… Nous avons du temps pour, à notre tour, croire qu’il fallait que les choses aillent ainsi, et nous laisser transformer peu à peu par cette Bonne Nouvelle : une vie nouvelle a commencé, et nous sommes conviés à la faire nôtre…. Pas seulement pour le temps liturgique de Pâques, mais jusqu’à ce que « résurrection » s’en suive !J’ai envie d’ajouter : nous avons bien de la chance d’avoir croisé l’homme Jésus et d’avoir donné du sens à notre vie. Mais cette chance est à partager pour donner à d’autres la chance d’entendre eux aussi cette Bonne Nouvelle. Qu’en voyant notre manière de vivre, ils puissent dire : « Oui, vivre en vaut la peine ! C’est Jean-Claude Brau qui dit : « le ressuscité ne se rencontre pas à Jérusalem, mais en Galilée, non pas dans les tabernacles mais dans le quoi d’interrogation, il faut faire quelque chose et vivre le quotidien de la vie, là où le visage de l’autre nous interpelle ». Et un témoin au procès des attentats disait : « Après des mois d’interrogation, il faut faire quelque chose et vivre ! ». Reprenant Paul Claudel dans « Le partage de Midi », Eric-Emmanuel Schmitt dit : « Il faut consentir à aimer. C’est alors que naît un grand amour. Il en va de même de notre rapport à Dieu. Il faut consentir, avoir l’humilité de céder au mystère qu’il nous est donné de ressentir, et avancer. On ne sait pas tout, mais on accepte de marcher avec confiance ».
Extrait de l’homélie du Père Marcel Coget ce dimanche de Pâques ce 09/04/2023