Commentaire de Père Jean.
En ce temps-là, les pharisiens, et quelques scribes venus de Jérusalem, se réunissent auprès de Jésus, et voient quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec des mains impures, c’est-à-dire non lavées. – Les pharisiens en effet, comme tous les juifs, se lavent toujours soigneusement les mains avant de manger, par attachement à la tradition des anciens ; et au retour du marché, ils ne mangent pas avant de s’être aspergés d’eau, et ils sont attachés encore par tradition à beaucoup d’autres pratiques : lavage de coupes, de carafes et de plats. Alors les pharisiens et les scribes demandèrent à Jésus : « Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens ? Ils prennent leur repas avec des mains impures. » Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites, ainsi qu’il est écrit : ‘Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. C’est en vain qu’ils me rendent un culte : les doctrines qu’ils enseignent ne sont que des préceptes humains’. Vous aussi, vous laissez de côté le commandement de Dieu, pour vous attacher à la tradition des hommes ».
Appelant de nouveau la foule, il lui disait : « Ecoutez-moi tous, et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. » Il disait encore à ses disciples à l’écart de la foule : « C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur ».
Un mot pour situer ce texte dans la présentation de saint Marc. Jésus a nourri en Galiléel 5000 hommes à partir de 5 pains (sans qu’ils ne se soient lavé les mains ?), ensuite revenu au lac il va guérir de nombreux gens qui le recherchent pour lui apporter leurs malades. Voilà le bon accueil réservé à Jésus en terre de Galilée. Vient alors la discussion avec les pharisiens et les scribes venus de Jérusalem, horrifiés que les disciples ne se sont pas lavé les mains avant de manger, discussion sur les traditions pharisiennes et la différence entre le pur et l’impur. Jésus exaspéré dira son avertissement à la foule et ensuite aux disciples, mais aussitôt se rend en territoire païen, où là il rencontre une païenne le suppliant de chasser le démon hors de sa fille. Jésus a comme première réaction qu’il n’est pas bon de prendre le pain des enfants (les juifs) pour le jeter aux chiens (surnom donné au païens). Elle aura la réponse : « les petits chiens sous la table mangent des miettes des enfants (en provenance des douze paniers ! », à quoi Jésus s’émerveille devant la foi de cette païenne : « A cause de cette parole, va, le démon (l’esprit impur) est sorti de ta fille ». L’opposition à Jésus concernant les traditions rituelles par les tenants de la ‘religion’ deviendra source de foi chez la païenne : un tournant dans l’histoire du salut proposé par Jésus. Pas dans le respect des traditions élaborées par les hommes au cours de siècles, mais dans la foi insistante des hommes en la puissance de guérison dont Jésus témoigne en paroles et en gestes.
L’origine des traditions, imposées par le pouvoir religieux qu’est-il ? Bien souvent en réponse aux questions des hommes : que faut-il faire pour mériter le salut ? La ‘religion’ s’occupe et se préoccupe de faire des choses pour être sûr de la récompense que Dieu se doit de leur donner et cette démarche donne pouvoir chez les chefs religieux . La ‘foi’ don gratuit de Dieu s’occupe de ce que c’est d’être (être image de Dieu, être enfant de Dieu) un être relationnel face à Dieu, face aux hommes, face à l’univers et ainsi face à soi-même, afin d’être manifestation de Dieu par notre façon d’être. Le ‘faire’ des traditions se doit d’être explicité (ceci permis, ceci interdit, ceci obligé) , tandis que l’être de la foi c’est être en recherche en discernement avec l’Esprit Saint, de comment manifester la présence de Dieu en notre monde
La religion juive ? Au départ pas une tradition, mais un appel à Abraham d’être confiant dans la parole de Dieu de quitter cette terre pour une autre terre, sainte cette fois . Mais la ‘foi’ devient rapidement de ‘la religion’ où l’obligation devient primordiale avec ses interdits, ses permis et ses prescriptions. L’autorité juive aura tendance à circonscrire dans les moindres détails comment ‘obéir’ à ces obligations (les 613 préceptes) . Ce seront des traditions humaines, comme dira Jésus, mettant en lumière le pouvoir des religieux. Le risque est grand qu’on passe à côté de la foi d’Abraham
La religion chrétienne ? Elle est au départ une ‘foi’, une confiance qui nous est donnée par Dieu pour qu’avec la collaboration de l’Esprit manifesté dans la vie de Jésus, nous achevions l’œuvre que Dieu a entamée. Pas de Loi, mais une invitation de croire en Jésus. Mais comme toute religion, notre foi chrétienne est altérée par ce ‘besoin religieux’, celui de faire des choses bien circonscrites. Alors que le critère d’un acte véritable de se sentir nourris par la foi, nourri par la parole de Dieu écoutée et entendue, et par la mission reçue de Jésus, personnellement et en communauté, d’apporter au monde la paix et la joie du Christ. Le « critère » de la véracité des traditions en Eglise est que nous nous sentions nourris par elles, toujours après examen approfondi. ‘Tant de traditions viennent des hommes’ qui en leur temps ont pu nourrir la foi. Toutefois la l’histoire évoluant, elles nous paraissent inutiles pour en garder la pureté de notre ‘foi’
Le récit d’aujourd’hui a trait aux traditions auxquelles les juifs sont attachés sur le pur et l’impur (lisons ce qui vient de l’Esprit pur et ce qui vient de l’esprit du mal). Les pharisiens accompagnés de scribes (docteurs de la Loi qui font autorité et pouvoir religieux aux yeux des ‘petites gens’ ) venus de Jérusalem voient les disciples de Jésus manger sans s’être lavé les mains au préalable (interdit selon la tradition), et ils viennent dans les parages de Jésus avec la question sournoise du pourquoi les disciples ne suivent pas la tradition. Jésus y répond par une citation du prophète Isaïe, que eux les religieux doivent connaitre (Jésus la fait sienne bien évidemment) en l’introduisant par ‘vous êtes hypocrites’, disqualification que Jésus attribuera souvent aux pharisiens, eux qui s’estiment être les ‘purs’. Isaïe : ‘Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi. Leur culte : enseigner des doctrines qui ne sont que des préceptes humains. Vous laissez de côté les commandements de Dieu, et vous vous attachez à la tradition des hommes.
Ensuite, délaissant ses interlocuteurs, Jésus parle à la foule avec insistance : ‘Ecoutez-moi bien vous tous et comprenez : ce qui entre dans l’homme ne le rend pas impur, mais ce qui sort de l’homme peut le rendre impur’. Traduisons : ce n’est pas le fait d’être tenté par tout ce qui nous vient de l’extérieur (la culture de l’avoir, du pouvoir et du savoir).La tentation elle-même n’est pas péché qui souille l’homme, comme d’ailleurs Jésus a été tenté. Mais ce qui souille l’homme, c’est quand l’homme en son cœur y adhère. Ensuite à l’écart Jésus s’adresse à ses disciples : « Du dedans, du cœur de l’homme sortent les pensées perverses ; et il énumère toutes les vilenies du mal qui peuvent venir du dedans, qui rendent l’homme impur. La liste est longue mais ce sont toutes des pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Toutes, des écarts notoires par rapport à la mission qui est la nôtre de manifester l’identité de Dieu par notre être au monde. A chacune il faut se rappeler l’avertissement que Jésus a donné en saint Matthieu : ‘vous avez appris,,il est écrit dans la Loi : ‘tu ne tueras pas’ mais je vous dis : lorsque vous évitez quelqu’un, vous avez commis en pensée un meurtre puisque pour vous il n’existe plus. Alors parcourant la liste laissons-nous nous attarder à l’une ou l’autre de ces vilenies que d’emblée pose question pour nous. Non pas pour nous appesantir sur nos déficiences mais pour apprécier le salut que Jésus nous apporte pour le pardon de nos échecs à vivre qui nous sommes et nous assurer qu’il nous ressuscite au ‘dernier jour’.
Marc 7, 1-8 14-15 21-23