Genèse 15, 1-6 ; 21, 1-3 : Dieu avait promis à Abraham une descendance avec Sara, et même une descendance nombreuse, mais celui-ci constate que la promesse tarde à se réaliser et il n’a pas peur de le signaler au Seigneur qui confirme sa promesse d’une descendance aussi nombreuse que les étoiles. Le Seigneur visita Sara qui connut la joie d’être mère. L’enfant sera appelé « Isaac », c-à-d « il rira » : c’est l’enfant du bonheur.
Hébreux 11, 8, 11-12. 17-19 : trois moments décisifs de la vie d’Abraham sont évoqués ici : son errance à la recherche de la patrie promise par Dieu, la longue attente du fils promis par le Seigneur et l’épreuve du sacrifice d’Isaac alors qu’il devait donner une descendance nombreuse. Abraham fut soumis à l’épreuve, mais il garda inconditionnelle sa foi en Dieu et en ses promesses. Remarquons que l’auteur voit dans l’obéissance d’Abraham à la demande de sacrifier son fils, une « préfiguration » de la capacité de Dieu « de ressusciter les morts ».
Luc 2, 22-40 : Joseph et Marie respectent la loi de Moïse en ce qu’elle prescrit concernant la purification de la maman et le sacrifice lors de la présentation de leur premier-né au temple. Deux personnages prophétisent sur l’Enfant, eux qui attendaient « la consolation d’Israël » : Jésus sera salut et lumière non seulement pour Israël mais aussi pour toutes les nations, il sera également « signe de contradiction ». Dans leur étonnement à entendre de telles révélations, Joseph et Marie apprennent en plus que leur grande foi ne sera pas exempte d’épreuves.
Homélie de Vénuste.
Le dimanche qui suit la solennité de Noël, le calendrier liturgique prévoit la fête de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. On peut se permettre de fêter toute famille humaine : de la même façon que Noël c’est la fête de toute l’humanité puisque Dieu est venu partager l’humanité afin que l’humanité partage la divinité, de même la famille humaine se voit élevée à une noble dignité puisque le Verbe de Dieu a vécu, grandi et travaillé dans une famille humaine.
Cette fête a été étendue à toute l’Eglise par Benoît XV en 1921. L’intention était de donner la famille de Nazareth en exemple face à une évolution jugée inquiétante de la famille dans la société contemporaine : on commençait à avoir, à cette date, des cas qui sont assez répandus à notre époque actuelle : la famille classique « éclatée » comme on dit aujourd’hui, des couples qui « cohabitent » (le fameux pacs, qu’on appelait jadis le concubinage), des familles monoparentales, des familles recomposées, des familles homosexuelles même. A certaines émissions télé, j’ai remarqué qu’on ne demande plus aux intervenants s’ils sont mariés : on demande si l’on est « accompagné dans la vie » !
La réforme liturgique du concile Vatican II a placé la fête de la Sainte Famille au premier dimanche après Noël. Ce n’est plus seulement pour nous donner la famille de Nazareth en exemple. C’est surtout pour attirer notre attention sur la réalité humaine et concrète de l’incarnation : le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. Il a vécu dans une famille concrète. Il a choisi la famille d’un humble artisan et d’une jeune femme toute simple. Il a vécu le quotidien le plus banal. Il a vécu les vertus familiales. Marie et Joseph lui ont tout appris : la vie en société, les travaux domestiques (aller chercher l’eau), le métier de charpentier. Ils lui ont appris à prier : à 5 ans, l’enfant juif commence déjà l’étude des saintes Ecritures ; à 12 ans, le garçon a le droit de porter le châle de la prière, de prononcer les bénédictions et de prendre les rouleaux de la Parole (lire à la synagogue). A 12 ans, le juif est un adulte responsable devant Dieu.
Jésus est de la lignée de ces enfants dont la naissance est extraordinaire. Toute naissance est un don de Dieu, même à nos jours où on joue avec le clonage et aux manipulations génétiques. La Bible connaît plusieurs enfants qui sont nés de façon inespérée dans des couples stériles (nous n’imaginons pas l’immense détresse des couples stériles à l’époque de la Bible) ; leur naissance était annoncée par un ange de Dieu qui attendait qu’il soit évident que la naissance était naturellement et humainement impossible afin que soient bien manifestes l’intervention divine et le don direct de Dieu. C’est le cas d’Isaac, de Samson, de Samuel, de Jean Baptiste.
La naissance de Jésus est un don à l’humanité, plus qu’un don à une personne particulière, Marie, surprise par l’annonce de l’Ange, au risque de se faire répudier par son fiancé Joseph « le juste » qui la prendra chez lui quand il bénéficia lui aussi d’une annonciation. Comme Joseph était de ceux qui « attendaient la Consolation d’Israël » (l’expression est appliquée à Syméon), il se réjouit du don qui lui est fait, de l’honneur de se voir confier le Fils du Très-Haut. Il ne faut pas donner crédit à des traditions douteuses qui ont fait de Joseph un petit vieux dans l’ombre de Marie. Ce devait être un saint homme, saint Joseph, et il devait avoir un caractère d’une belle trempe, pour avoir pris les décisions qu’il fallait lors de péripéties que sa petite famille a dû connaître (fuite en Egypte et autres). Et pour mériter la confiance du Père Eternel qui lui a confié son Fils, ce n’était pas n’importe qui. Il est sûr que l’enfant qui « grandissait et se fortifiait, tout rempli de sagesse » a certainement beaucoup reçu de Joseph ! Le Pape François vient de décréter une année spéciale dédiée à saint Joseph.
Que dire de cette « sainte famille » ? Un modèle inaccessible et inimitable ? A certains égards oui, car elle a fait une expérience unique : que le Fils de Dieu se soit fait bébé chez eux deux, que le Verbe de Dieu soit devenu enfant (infans = qui ne parle pas encore), que le Dieu Fort se soit fait fragile jusqu’à être bercé, langé, jusqu’à apprendre à marcher, à prier ( !)… cela ne se répétera certainement pas. Par conséquent Marie et Joseph ont connu quelque chose d’unique et ce n’est pas pour cela qu’ils sont une famille exemplaire. C’est plutôt leur vie spirituelle, leurs qualités humaines et chrétiennes qui nous sont un modèle. Disponibilité, foi, confiance, patience… étonnement et émerveillement.
De foi, ils en avaient, Marie et Joseph, et ils en ont eu besoin pour gérer certaines situations. Il ne faut pas croire qu’ils comprenaient tout, ou qu’ils avaient la prescience des événements. L’évangile nous affirme que « le père et la mère de l’enfant s’étonnaient », que Marie gardait tout cela dans son cœur (pas dans la mémoire). Malgré les annonciations dont ils ont bénéficié (pas tous les jours), ils devaient se poser bien des questions, et quelque doute n’est pas à exclure. La situation n’était pas confortable ! Avoir une grossesse avant d’habiter ensemble (imaginez les cancans désobligeants du village), accoucher sur la paille comme d’authentiques sans-abris alors que l’Enfant est le Fils du Très-Haut (qui règle le cours des astres), devoir fuir en Egypte comme de vulgaires réfugiés politiques (cfr l’actualité des migrants), ne pas pouvoir s’établir dans leur village natal au retour d’exil et devoir emménager dans la Galilée des païens (à Nazareth « afin d’accomplir ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : il sera appelé Nazaréen »), vivre dans la pauvreté en rabotant du bois (dignité dans la pauvreté oui, mais…), avoir un enfant qui fait la fugue à 12 ans et vous lance à la figure qu’il est aux affaires de son père… Ce ne fut pas une vie de tout repos. Quand Jésus commence sa mission, la famille proche pense qu’il est devenu fou. Et surtout la mort sur la croix, que le vieillard Syméon avait prédit à Marie en disant que son cœur sera transpercé par une épée… Ce n’était pas évident que tout cela. Il fallait une foi bien accrochée. Et malgré tout, continuer à être disponible à la volonté souveraine de Dieu, continuer à lui faire une confiance sans limites, à lui exprimer un amour inconditionnel.
Voilà en quoi nos familles humaines peuvent imiter Marie et Joseph. Donner à Dieu la place qu’il mérite dans la famille, où il prend plaisir à demeurer, sans chercher à en profiter en retour pour être plus choyé que la famille de Nazareth (dans nos prières, nous voulons être mieux traités que le Fils de Dieu lui-même). Vivre la « pietas » (le mot est utilisé non seulement pour parler de la relation avec Dieu, mais aussi du lien fort qui unit les membres d’une même famille). Savoir remercier Dieu pour ce que nous arrivons à réussir et lui demander une sainte patience quand tout ne nous est pas favorable. Faire de nos familles des lieux où on transmet la foi et les valeurs spirituelles en même temps que les valeurs humaines, tout ce qui est valeur. Le concile Vatican II aime dire que la famille c’est une « Eglise domestique » où on approfondit tout ce qui construit l’Eglise : la lecture de la Parole, la prière, le témoignage d’amour au sein de la famille d’abord mais pour rayonner autour de la famille… Une famille chrétienne vit tout cela et le vit ensemble. Aujourd’hui plus que jamais parce que la famille est en crise : il faut donc défendre les valeurs familiales avec détermination.
A chaque famille de voir si Dieu a sa place chez elle, s’il y habite, s’il y est aimé et servi. Quelle écoute de sa Parole : s’organiser pour lire quelques versets de la Bible, pourquoi pas aller à une session, à une conférence… ensemble. Quels temps de prière dans la journée : prière du soir, prière aux repas. Le jour du Seigneur tu sanctifieras, dit le commandement : quel beau témoignage de voir toute la famille à la messe dominicale. Quel engagement au service de la communauté ecclésiale, selon les dons et les charismes dispensés par l’Esprit Saint. Examinons-nous pour savoir ce qui nous incombe : la paix à faire, les blessures à effacer, le pardon à demander (à donner), les mots d’affection à dire… Cette semaine nous échangeons les vœux : que ce ne soit pas une formalité banale et pesante, mais un acte de charité.
Que le Seigneur qui s’est fait chair pour habiter parmi nous, assure sa présence bienveillante à toutes nos familles, celles qui vivent l’harmonie, celles qui vont se fonder, celles qui menacent de rompre, celles qui n’ont pas pu avoir d’enfant, celles qui sont souvent séparées par l’activité professionnelle ou la guerre, celles qui sont éclatées, dispersées, cassées… sans oublier les personnes qui vivent seules. Merci à Dieu pour l’amour reçu, donné et partagé en famille. Que cette fête de la Sainte Famille soit une occasion de présenter nos familles à Marie et Joseph. Ils sont nos intercesseurs pour avoir été très proches du Verbe fait chair et parce qu’au ciel, ils lui restent très proches. Ils connaissent nos soucis, nos doutes, nos efforts, nos limites… ils sont passés par là, d’où leur intercession efficace.
Commentaire de Père Jean.
Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification , les parents de Jésus l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : ‘Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. Ils venaient aussi offrir le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes.
Or, il y avait à Jérusalem un homme appelé Syméon. C’était un homme juste et religieux, qui attendait le Consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. Il avait reçu de l’Esprit Saint l’annonce qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur. Sous l’action de l’Esprit, Syméon vint au Temple. Au moment où les parents présentaient l’enfant Jésus pour se conformer au rite de la Loi qui le concernait, Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant : «Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël ». Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui est dit de lui. Syméon les bénit, puis il dit à Marie sa mère : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive- ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre ». Il y avait aussi une femme prophète, Anne, fille de Phanuel, de la tribu de Aser. Elle était très avancée en âge ; après sept ans de mariage, demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de 84 ans. Elle ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière. Survenant à cette heure même, elle proclamait les louanges de Dieu et parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem.
Lorsqu’ils eurent achevé tout ce que prescrivait la Loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.
La fête de la Sainte Famille a été introduite dans le calendrier liturgique seulement en 1923. Le 19ième siècle avait vu l’emprise de l’individualisme et de l’Etat grandissant si bien que l’image de la famille traditionnelle s’en trouvait écornée. Pour parer à ce danger l’Eglise a voulu mettre la famille en exergue en proposant l’image de la famille à Nazareth lors de la petite enfance de Jésus en la présentation au Temple et douze ans plus tard lorsque Jésus devenu adolescent accompagne ses parents pour le pèlerinage annuel au Temple. Ces deux épisodes racontés par Luc se terminent tous deux par le regard similaire sur Jésus. Il progresse en sagesse et en taille, et en faveur auprès de Dieu et les hommes, sa soumission à ses parents étant mis en évidence. Très curieux que ces deux événements se retrouvent dans les ‘sept douleurs de Marie’ et dans les ‘mystères joyeux du rosaire’. La famille lieu de joies et de peines…A partir des années 1950 et sans doute surtout après mai 68 la famille a connu une désagrégation sensible : il est interdit d’interdire. Tout est possible. La fête d’aujourd’hui nous rappelle l’importance de la famille illustrée par l’icône de la saint Famille assez répandue, dans une culture qui n’est plus celle d’autrefois, chamboulée qu’elle est.
La fête est illustrée par trois récits d’évangile : l’année A la fuite en Egypte, la B la présentation de Jésus au Temple et la C Jésus à 12 ans retrouvé au Temple. Il faut dire que dans les évangiles il y a un récit où les frères et la mère de Jésus viennent le trouver parce qu’il a perdu la tête. La foule dit à Jésus : ils sont là dehors et désirent te parler et Jésus de répondre : qui est mon frère, qui est ma mère ? Celui qui écoute les paroles que je dis et les met en pratique.
Quelques mots de l’évangile d’aujourd’hui. Luc s’en mêle un peu les pinceaux en parlant dans un même récit le rite de la purification de la mère après l’accouchement et le rite que tout enfant mâle premier-né doit être ‘racheté’ par une offrande à Dieu pour marquer son appartenance à Dieu (souvent mal compris comme par exemple Abraham et Isaac)
Luc parle, dit le traducteur, de la purification : celle de la Vierge, elle est immaculée !, mais Luc a noté ‘leur purification’ (celle de Marie et Joseph ? Invraisemblable ! ‘Leur’ est un pronom qui couvre ceux dont on vient de parler : et ici ce sont les bergers, représentant toute l’humanité pécheresse comme dit dans le récit de la Nativité.
Remarquez que dans la petite introduction ce sont les parents qui sont les acteurs pour Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël accomplir les rites prescrits par la Loi, celle de l’Ancienne Alliance ! Le récit dans sa majeure partie décrit en fait la Présentation de Jésus à son Père : ici il y a deux témoins : Syméon un homme juste et religieux dont il est dit par trois fois sa proximité avec l‘Esprit Saint ; Anne, une femme (cette fois !) prophète dont Luc insiste sur son curriculum vitae : 84 ans, veuve après avoir été mariée 7 ans (7 x 12 = 84 ), son style de vie la prière et le jeûne, servant Dieu. Elle survient lorsque les parents arrivent et elle parlera de l’enfant à tous ceux qui l’entoure. Tous deux assidus au Temple pour se tourner vers le Saint des Saints avec la présence de Dieu, cette fois-ci tous deux se tournent vers l’enfant : c’est dans cet enfant qu’ils découvrent la présence de Dieu. Pour Syméon un Dieu très proche, il prend l’enfant dans ses bras et il bénit Dieu :’Maintenant, ô Maître Souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole’ Immédiatement il poursuit pour ‘prophétiser’ quelle est la portée de la venue de l’enfant : «Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël « . Il a ‘vu’ (voir est un mot qui revient souvent dans le temps de Noël ; vu le salut (cfr la parole de l’ange aux bergers : un sauveur vous est né) préparé par Dieu (Noël Dieu à l’œuvre) à la face des peuples (signification universelle de la venue de l’enfant) Lumière (comme les bergers enveloppés de lumière) se révélant tant aux nations que pour donner la gloire à Israël. Etonnement des parents que Syméon bénit tout en se tournant vers Marie : « L’enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, oui un signe de contradiction » Voilà en une phrase le résumé de la vie de Jésus qui provoquera enthousiasme chez les pauvres de cœur et le rejet de la part des religieux et l’élite, relèvement et chute… Et à Marie un avenir douloureux : un glaive traversera son âme (vierge aux 7 douleurs). Il y a encore Anne :elle proclame l’éloge de Dieu et parle de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem. Jérusalem libérée du joug de l’occupation romaine ? ou bien plutôt libérée du carcan de la caste des religieux brandissant la Loi et les rites comme source unique de salut pour obtenir la récompense ?
Les parents retournent à Nazareth et commence ce qu’on appellera la vie cachée de notre Sauveur.