En ce temps-là, Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple : « Ecoutez cette parabole : Un homme était propriétaire d’un domaine ; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde. Puis il loua cette vigne à des vignerons et partit en voyage. Quand arriva le temps des fruits, il envoya ses serviteurs auprès des vignerons pour se faire remettre le produit de sa vigne. Mais les vignerons se saisirent des serviteurs, frappèrent l’un , tuèrent l’autre, lapidèrent le troisième. De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs plus nombreux que les premiers ; mais on les traita de la même façon. Finalement, il leur envoya son fils, en se disant : ‘ils respecteront mon fils’. Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux : ‘Voici l’héritier ; venez ! tuons-le, et nous aurons l’héritage !‘ Ils se saisirent de lui, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? » On lui répond : « Ces misérables , il les fera périr misérablement. Il louera la vigne à d’autres vignerons qui lui en remettront le produit en temps voulu. » Jésus leur dit : « N’avez-vous jamais lu dans les Ecritures : ‘La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’ angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux !’ Aussi je vous le dis : Le Royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à une nation qui lui fera produire ses fruits. »
En ce temps-là : ce récit vient immédiatement après le récit de la semaine dernière. Jésus entre ovationné en Jérusalem, pénètre dans le Temple, y découvre une caverne de bandits et non un lieu de prière, chasse les marchands et laisse entrer les aveugles et boiteux, interdits du Temple par les Autorités de la religion. Riposte de ceux-ci les uns chargés du culte et les anciens chargés du bien-être du peuple. Tout cela au nom de Dieu !.Eux à Jésus : « De quelle autorité fais-tu tout cela ? Qui t’a donné cette autorité ? ». Les détenteurs de la religion sont offusqués, Jésus empiète lourdement sur leur domaine. Or Jésus apporte la foi en un amour inconditionnel de Dieu pour son peuple et eux croient défendre le Dieu Tout-Puissant. La foi face à la religion !: la foi est la rencontre de l’homme avec Dieu vivant et aimant, tandis que la religion déviée risque d’y voir seulement des rites que par obligation je dois accomplir pour mériter la récompense du salut et donc je suis l’auteur de mon salut.
Vint ensuite la parabole de Jésus d’un père demandant à ses enfants d’aller travailler à la vigne, l’un disant ‘je ne veux pas’ mais repenti y va, comme les pécheurs qui disent non par leur péché mais vont à Jean Baptiste, se reconnaissent pécheurs pardonnés en recevant le baptême dans le Jourdain, tandis que les tenants de la religion tels les grands prêtres et les anciens extérieurement témoignent d’un oui Seigneur alors que leur cœur est porté sur le pouvoir qui est le leur et non plus celui de Dieu. Au fond ne risquons pas nous-mêmes de dire oui du bout des lèvres- tandis que nous nous laissons imposer le pouvoir de notre ego ? Jésus ne dira-il pas des gourous :’ ils disent mais ils ne font pas’. Et de nous, de moi ?
Là-dessus Jésus raconte aux grands prêtres et anciens une seconde parabole essayant de leur ouvrir les yeux sur l’ambiguïté de leur comportement (et du nôtre). Il leur demande d’écouter. Jésus fait d’abord appel au prophète Isaïe décrivant Dieu amoureux de sa vigne. Un maître de vigne a tout fait pour que la vigne puisse porter de beaux fruits : le détail de ce que le maître fait pour sa vigne provient d’Isaïe : il a tout fait. Puis il loua cette vigne à des vignerons et partit en voyage, donc apparemment absent. Contrat de location : droit d’utiliser (jus utendi) mais responsable du maintien ordinaire de la vigne (pas de jus abutendi ). Loué à des vignerons, des professionnels de la vigne. J’y vois les délégués de Dieu grands prêtres et anciens (délégués que nous sommes aussi depuis notre baptême) pour assurer le bon rendement de la vigne. Le bail prévoit la condition de remettre le produit de la vigne (droit de fermage). Les ‘vignerons’ ont donc un pouvoir certain sur la vigne à condition de remettre les fruits en temps voulu. Arrive ce moment et le maître envoie ses serviteurs à son service, ses délégués personnels que sont les prophètes. Mais les vignerons se sentent surveillés face à ces prophètes : voulant garder les fruits pour eux, ils tuent la voix des prophètes pour s’en accaparer’ afin que leur voix prédomine. Et ils n’y vont pas de main morte ! Pareillement pour les autres envoyés qui subissent le même sort. Et le sort du maître est d’être patient !
Le maître finalement envoie son fils dans l’espoir un peu candide que les vignerons ‘respecteront’ le fils. Eux voyant arriver le fils lui l’héritier, la tentation est belle de pouvoir s’accaparer de l’héritage une fois pour toutes en tuant le fils hors de la vigne (comme Jésus qui sera crucifié hors de Jérusalem !) Enthousiastes ils se disent : ’nous aurons l’héritage’. L’héritage signifie que le maître est mort dans leur pensée (la ‘mort de Dieu’ évoquée dans les années 1960). Mais le maître viendra, comme Jésus ressuscité viendra : que va-t-il faire à ces vignerons ? De nouveau c’est Jésus qui interroge ceux qui se sont emparé du pouvoir d’agir en Dieu . Ils lui répondent (en français on, pronom indéfini jouant le rôle de l’anonyme mais c’est bien la voix des prêtres et des anciens) « Ces misérables, il les fera périr misérablement ! (Arrêt de jugement très tranché , mais ils ajoutent : ) Il louera la vigne à d’autres vignerons qui lui en remettront le produit en temps voulu. Ils ne se sont pas reconnus dans les vignerons de la parabole, et ils suggèrent même la solution au maître de chercher d’autres vignerons. (Est-ce que moi, est-ce que nous ne nous sommes pas vu assumer le rôle des vignerons : en quoi nous avons repris la place de Dieu abusivement ?)
Jésus leur ouvre lui-même les yeux sur ce qui se passe en leur vie, en reprenant à un psaume l’image de la pierre rejetée par les bâtisseurs devenue pierre d’angle : c’est là l’œuvre de Dieu, la merveille devant nos yeux. Pour nous, chrétiens, Jésus nous reprend l’image du rejet par la mort du fils qui devient pierre d’angle soutenant tout le bâtiment en ressuscitant Jésus, la merveille devant nos yeux de croyants. Jésus porte ainsi notre regard sur l’avenir : le royaume de Dieu enlevé à la sphère de la religion et donné à une nation de croyants qui produira les fruits du royaume. (nation en grec biblique sont les païens)

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