Nous vous informons qu’une célébration eucharistique en hommage à Jean-François Grégoire aura lieu le dimanche 14 novembre prochain (anniversaire de son décès) à 11h à l’église St Paul. 

Ce sera l’occasion de rendre grâce pour toute une vie donnée au service des autres. 

Homélie à l’occasion de cette célébration.

C’est émouvant pour moi d’être au milieu de vous ce matin pour célébrer l’action de grâce de l’église  en souvenir de tout ce que Jean-Francois est pour chacun et chacune d’entre nous. La parole du prophète Daniel entebdue dans la 1er lecture me semble bien traduire ce qu’il est à nos yeux : “Ceux qui ont l’intelligence resplendiront. .. ceux qui sont des maitres de justice brilleront…pour toujours et à jamais “.

 Il a tissé de nombreux liens d’amitié… et j’ai la grâce d’avoir croisé son chemin, d’abord dans le doyenne de Braine L’alleud,  puis dans la collaboration avec lui au cours des journées de rencontre et de formation des aumôniers de prison où il partageait son savoir-faire et son savoir-être  de théologien et enfin ici  les dimanches à Saint Paul après qu’il eut accepté de me remplacer comme aumônier à  la prison de Nivelles.

Mais c’est surtout les rencontres épisodiques  que nous avions chez moi qui ont entretenu  et approfondi l’amitié entre nous.Il arrivait en s’excusant de n’être pas venu plus tôt. . »Salut ,vieux frère  » me lancait-il, me remerciant d’être mon invité  alors que c’était lui qui m’accueillait dans ses joies, ses peines, ses préoccupations , ses questions qu’il me partageait bien simplement, et Dieu sait si être aumônier de prison est loin d’être facile !

Et ce matin,  comme je souhaiterais entendre  les  reflexions interpellantes de Jean-François sur ce passage d’évangile ..  évangile qui peut susciter en nous  des interrogations inquiètes ou faire naître des espérances pour ce temps de crises climatiques et sanitaires que nous vivons . Mais peut-être vous a-t-il déjà parlé ce matin dans le secret des pensées de votre coeur ? Adolphe Gesche, grand maître à penser de Jean-François,  écrit quelque part : « Puisque nous sommes le Temple de Dieu, écouter notre être profond n’est-ce pas la voie royale pour avoir réponse à nos interrogations ? N’ayons pas peur de ce qu’il y a en nous et d’y entendre peut-être un souffle ténu mais cependant palpable ».Et cette réflexion de Jean-François lui-même : « Il m’apparaît maintenant comme Quelqu »un qui m’accompagne,’ou mieux encore qui se faufile dans mon histoire, accompagnant la marche, le rythme même de ma propre histoire et de mon cheminement ». Cette présence discrète,  qui caractérisait Jean-François,  n’etait-elle pas le reflet d’une présence qui l’habitait, qu’il laissait vivre en lui et dont beaucoup ont perçu qu’elle les avait aidé ?

Mais qu’est-il encore pour moi, ou plutôt que reste-t-il d’un disparu,… non d’un ami, qui nous précède auprès du Père,  que reste-t-il après un an ? Je n’ai pas la chance d’avoir mémorisé ce que furent nos conversations.  Je garde plutôt des impressions, des ambiances, comme celles très profondes d’avoir été écouté , et bien souvent compris, toujours respecté dans mes manières d’être et d’agir, encouragé dans mes décisions  et à  aller plus profond dans mes raisons de vivre.  Des échanges pas toujours aussi longs  que je l’aurais souhaité, car les nombreux engagements de Jean-François l’obligeait à partager son temps  judicieusement,  mais quand même  quelle disponibilité ! Il m’est arrivé plus d’ une fois au cours de cette année de regarder sa photo en bonne place dans mon séjour et de l’interpeller : « C ‘est malin ce que tu as fait…toi qui prônait l’entraide…tu as voulu agir tout seul …Alors maintenant etc… », et de lui demander conseil, de m’éclairer, de me donner un coup de pouce ! Je ne suis pas nécessairement exaucé mais je suis sûr qu’il est pour quelque chose dans ce qui s’en suit. Parfois c’est comme s’il me suggérait d’aller relire un passage de son livre « Croire-A l’ombre des Évangiles  » . Ces jours-ci, ayant écouté les journaux télévisés,  j’étais plutôt découragé et surtout inquiet sur le ton rassurant utilisé pour informer  sur les crises catastrophiques que nous vivons. Ouvrant son livre p.142 je tombe sur le passage consacré  à  « la foi assure, elle n’est pas faite pour rassurer », et je lis  que  pour parvenir à  être assuré,  c’est à dire tenir solidement, il faut « passer de l’attention obsédante portée aux maux dont on souffre ,à  une attention qui distrait de la vie présente,  vers une attention à cette vie même « .  Et il ajoute que pour y parvenir il faut « quelqu’un  qui aide, compatit, prend souci, guérit,  libère… », un bon samaritain qu’il incarnait si bien aux dire d’un détenu  : « tout en discrétion  et humilité,  il était au chevet des plus faibles, des exclus et des blessés de la vie (…) Il savait comme personne aider son interlocuteur à se relever ou à entrevoir de la lumière,  habité par sa foi  dans le Christ « .

Et sur sa foi au Christ,  je ne puis que témoigner qu’il  la pratiquait.  Ne disait-il pas : « la foi, la joie sont vivantes  ou elles ne sont pas. La confiance ne s’use que si on ne s’en sert pas. Elle meurt si on l’enferme, si on l’emprisonne ». Et il écrit encore p,102 : « Vraiment je me demande si la foi n’est pas cette capacité de double vue, enc  line à manifester le fond d’un coeur ».

Que vous dirais-je encore ?  Sa mort accidentelle , sur le moment, ce fut pour moi une grande détresse , le soleil s’obscurcissait, la lune ne donnait plus sa clarté et les étoiles tombaient du ciel… pour parler comme l’évangile de ce jour pour dire… une catastrophe. Je n’étais pas seul  à ressentir un vide  et il ne fallut pas longtemps pour que se manifestent ceux et celles qui le côtoyaient pour compatir et se ressaisir en partageant sur ce qu’il était pour nous. Ces paroles échangées,  ces souvenirs évoqués,  peu à peu  , firent émerger une autre présence , celle qui fut alors célébrée , en petit comité  vu  le Covid ,  le 25 novembre dans  son église,  à laquelle je m’associai de loin mais proche de pensée et de coeur.

Et maintenant, si j’essaie « de découvrir quelqu’un ou quelque chose , si je tente de trouver mentalement une idée ou un souvenir » – ce sont encore des mots de Jean-Francois  p,148 –  c’est à dire  chercher , et dans le vocabilaire biblique, chercher « c’est consulter Dieu avant de prendre une decision , le questionner, l’interroger, recevoir de lui les conseils qui conviennent, qui feront autorité, qui feront grandir », je fais souvent appel à lui. Je le prie… si vous voulez  ! Et je lui confie mon profond désir  de rester,… de persévérer plutôt, …  à  me laisser instruire par la parabole du figuier !… Nous nous reverrons !

Une dernière citation de Jean-François , un clic d’oeil :  « D’un point de vue existentiel, celui qui croit fait le choix de la confiance , peu importe qu’on le prenne pour un naïf  voire un imbecile ». Et ajoutait-il ,  on ne peut jamais croire tout seul. !