Enfin, le temps ordinaire. Quand rien d’extraordinaire ne se passe, cela ne signifie pas que rien ne se passe. Bien souvent, tout se passe, sauf l’extraordinaire. D’ailleurs, l’essentiel de la vie, son fondamental n’est pas dans l’extra mais dans « l’intra ordinaire ». C’est là que nous résidons, nous nous réalisons. Et là se joue la trame de notre existence. Mais quelle signification la liturgie de l’Eglise attache-t-elle à ce temps ordinaire qui ne cesse de s’éclipser et de réapparaitre indéfiniment?

La couleur caractéristique de ce temps et la notion de liturgie peuvent nous aider à en saisir le sens et à nous focaliser sur la mission qui nous revient.

D’abord la couleur. Le vert c’est la couleur de la nature profuse. Dans le code de la route, il signifie démarrer, passer, continuer le passage, avancer. Dans la liturgie il symbolise l’espérance et la croissance. En fait, il invite le croyant « non seulement à aimer notre monde voulu et aimé par Dieu lui-même, mais aussi à y déployer tous les trésors de l’Evangile dont nous sommes les intendants ». Le temps ordinaire traduit notre cheminement personnel, mais aussi notre route communautaire en Eglise au cœur de la famille humaine. C’est le temps de la continuité de la pérégrination pour la croissance silencieuse.

Ensuite, la notion de liturgie. La liturgie vient de deux mots grecs : laos et ergon. Le premier signifie peuple et le second action. La liturgie est une action du peuple. Il s’agit aussi de l’action de Dieu « pour » le Peuple. Et enfin une action de Dieu et du Peuple réunis au service du Salut du monde. La liturgie existe pour la gloire de Dieu et le Salut du monde.

Le temps ordinaire dans la liturgie catholique comprend 33/34 semaiCalendnes. C’est le temps normal de la vie liturgique. C’est l’ensemble du temps qui permet aux fidèles de vivre sur une année complète tout le mystère du salut accompli par Jésus-Christ. Il comprend les périodes autres que les deux temps forts célébrés par l’Église : d’une part, l’Avent et le temps de Noël ; d’autre part, le Carême, la fête de Pâques et le temps pascal jusqu’à la Pentecôte.

Le temps ordinaire traduit l’ordinaire de la foi, de l’espérance et de la charité qui nous appelle à agir avec et selon Dieu pour sa gloire et pour la cause de l’homme et de sa nature. Ce n’est donc pas le temps où nous devons pousser un ouf de soulagement et de délassement après des efforts fournis aux temps forts ; temps où nous devons baisser la garde, relâcher l’attention et la tension, déposer les armes dans le combat de la foi, s’octroyer des vacances.

Le temps ordinaire nous renvoie à re-découvrir la grandeur de l’ordinaire, de petites choses, de petits événements, petites occasions qui constituent la trame de notre quotidien. La fidélité, la prise au sérieux de ces petites choses nous entrainent surement à la fidélité aux grandes (Lc 16,10) qui surviennent plutôt rarement.

La spiritualité de sainte Thérèse de l’Enfant-Ste thérèseJésus, « la première sainte qui ne fit rien d’extraordinaire » peut nous aider à vivre, en cette année de la miséricorde, saintement et à tirer profit de toutes les opportunités que nous offre l’ordinaire, le quotidien de notre vie. Non la sainteté qui est à notre portée à tous comme baptisés, n’est pas un luxe réservé aux seuls temps forts. Nous n’avons pas besoin de nous retirer de sa conquête quotidienne sous prétexte que nous ne sommes pas capables des actes héroïques d’envergure, capables de grandes vertus qui nous exigent tant d’efforts et de sacrifices. Sainte Thérèse nous propose de prendre « l’ascenseur de l’amour ». Nul besoin de prendre nécessairement « le rude escalier de la perfection ». Tout est dans l’amour reçu, donné et vécu dans le menu détail du quotidien.

La vie est faite de petites choses, nous offre chaque jour, chaque heure, chaque minute de petites occasions. Chercher à les vivre saintement, avec la plus grande attention et le plus grand sérieux comme si elles étaient les plus grandes, les seules et les toutes dernières qui s’offrent à nous, voilà où réside la clé de la croissance et de la sanctification assurées. EN FAIT, « Dans une existence, écrit Emile BESSON, les grands devoirs, les grandes épreuves, les grandes joies sont en nombre restreint; par contre les petits devoirs, les petits travaux, les petits chagrins, les petites satisfactions sont constamment devant nous (…). Il suffit de peu de choses pour faire beaucoup de peine ; il suffit de peu de choses pour donner beaucoup de joie. Il suffit d’une parole pour rendre le courage, pour donner la vie ; il suffit d’un peu de sympathie pour adoucir la souffrance ». Il suffit tout simplement de faire grandement les petites choses.

Enfin, voici le temps ordinaire. « Dieu ne nous demande pas de faire de grandes choses mais de faire les petites choses avec beaucoup d’amour » nous affirme la bienheureuse Mère Teresa. « Nous n’avons qu’à nous exercer à faire avec le plus d’amour possible tous nos petits actes de la vie courante, à reconnaître humblement, mais sans tristesse, nos mille imperfections sans cesse renaissantes et à demander avec confiance au bon Dieu de les transformer en amour…» (Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus). Car « Faire grandement les petites choses, c’est subordonner les petits devoirs à un grand idéal » (E. Besson, les petites choses).

Wilfried IPAKA KEBADIO

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