Du matin au soir, le 7e jour.
Le récit de la création du monde en Genèse1 est un de nos textes fondateurs, une sorte de mise en évidence du fil rouge qui fait de notre histoire humaine une histoire sainte. Il s’achève par le 7e jour où Dieu se repose de toute son œuvre de création. Non pas le repos que prend un bon artisan fatigué de son travail de la journée, mais le repos où il laisse traîner son regard sur la beauté qui est née de ses mains. Il est écrit que Dieu bénit et consacre le 7e jour.
Bénir, c’est « crier » une Parole qui révèle tout ce que le regard a fait jaillir de la beauté des choses : « et Dieu vit que cela était très bon ».
Consacrer, c’est « crier » une Parole qui proclame que le souffle et le projet de Dieu habitent ce bel ouvrage et son devenir, y compris l’humain à son image, chargé de faire vivre cette création à hauteur d’humanité : « fructifiez, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la ». Cette mission, comment l’humain allait-il la remplir ? En s’enracinant dans le souffle du 7e jour ou dans la toute-puissance que lui donnait le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal ?
En confiant la création à l’humanité, il lui confiait aussi le 7e jour. Le Sabbat est aussi « retiré » des jours ordinaires, consacré, mis à part pour ouvrir une place au 7e jour dans l’histoire humaine et rappeler dans le même temps le choix qu’a toute personne du sens à donner à sa vie. Avec la reconnaissance du Dieu Unique, il est un des points principaux de la Loi. Une Loi faite pour servir de guide au dynamisme de la vie mais qui trop facilement se dessèche en règlement qui s’impose comme un carcan. Mais le choix à faire demeure incontournable.
Dans la Tradition biblique, les jours commencent au soir qui précède, rappelant qu’à la création, la lumière a été libérée des ténèbres. C’est le 8e jour qui s’ouvre au soir du Sabbat ou, plus exactement, le Premier Jour d’une nouvelle semaine est comme l’aube d’une création renouvelée. Nuit de la Résurrection où le Christ donne à la vie le dernier mot sur la mort et engage une humanité nouvelle. Celle que le prophète avait annoncée : « j’enlèverai son cœur de pierre et lui donnerai un cœur de chair. » ou encore « je mettrai en lui un cœur nouveau et un esprit nouveau. » et « Je mettrai ma loi au fond de leur être et je l’écrirai sur leur cœur. » Ce qu’annonçait le Sabbat, c’est désormais le « Jour du Seigneur » qui le proclame. Le Royaume de vie et d’Amour de Notre Père creuse désormais son sillon au cœur même de notre histoire humaine et le Souffle de l’Esprit Saint la traverse toute entière. Ce sont la Foi, l’Espérance et l’Agapè qui seront cette fois l’alternative à la toute-puissance.
A relire l’encyclique « Laudato si » du Pape François, le choix entre les deux ailes de cette alternative demeure l’objet d’un combat quotidien dont l’issue demeure du domaine de l’Espérance. L’Humain qui, aujourd’hui, « domine » la création et plus que jamais ancré dans sa toute puissance, à la fois source et victime des systèmes qu’il à mis en place, indifférent aux laissés pour compte, ceux d’aujourd’hui et de demain. Se laisser imprégner par le « 1e jour de la semaine » demeure un choix difficile car nous vivons de ce climat de « l’avoir toujours plus » et nous y sommes habitués. Il nous faudra une conversion intérieure qui nous mettra sans doute en marge, parmi les rêveurs ou les inconscients. Le jour du Seigneur nous appelle à la fécondité, celle qui advient lorsqu’on crée des liens qui font grandir. Notre société ne nous présente en priorité que le rendement. N’est-ce pas un choix porteur d’avenir que de préférer la fécondité d’une vie au rendement.
Père Jacques t’Serstevens
Source : Ordre de Malte : Lettre mensuelle de l’aumônerie : un regard qui s’arrête (23).